jacques Halbronn Extrait de l’ouvrage « Apprendre à penser Soleil-Lune » 2009
EDITIONS ERIC LE NOUVEL
LA FORCE DES IDEES
.
EDITIONS ERIC LE NOUVEL
LA FORCE DES IDEE
PREMIERE PARTIE
Une Histoire de l’astrologie revisitée
L’Histoire de l’astrologie est inséparable des tentatives de l’Humanité pour capter les énergies de son environnement. On parle de mécanique céleste et de fait l’on dira que l’humanité s »est mécanisée en se connectant aux astres. Mais il s’agit d’une biotechnologie, c’est à dire qu’il ne s’agissait nullement de changer les astres mais de moduler notre rapport aux astres, au prix d’une transformation intérieure.
Nous avons laissé entendre que la tradition astrologique était corrompue et qu’il ne fallait pas s »y fier. C’est pourrquoi un bref historique de ses avatars nous a semblé nécessaire à notre démonstration.
Il nous apparaît que l’Histoire de l’astrologie doit éviter de tomber dans deux piéges: d’une part de considérer que l’astrologie coïncide avec ce qui nous en est parvenu au travers des sommes qui ont été produites depuis 2000 ans et de l’autre de supposer que l’astrologie peut se ressourcer grâce aux données les plus récentes de la science, en fonction d’un néo-paganisme. Dans le premier cas, l’on ne remonte pas assez haut dans le temps et dans l’autre trop haut. Ce qui nous intéresse, c’est ce qui s’est passé entre ces deux états, l’un post-astrologique, l’autre pré-astrologique. Au fond, nous ne sommes pas loin, ce faisant, d’une grille judaïque selon laquelle la Loi vient bien après la Création du Monde mais aussi bien avant ce qui nous en est transmis par des traditions tardives.
Nous esquisserons ici un nouveau modèle pour rendre compte de l’Histoire de l’astrologie.
1 La naissance du rapport Hommes-astres
A un certain moment de l’Histoire de l’Humanité, le repère cosmique a été mis en avant à des fins organisationnelles, structurelles, régulatrices, harmonisatrices. Il s’agit là d’un stade relativement tardif mais certainement décisif dans l’Histoire de l’Humanité. Il ne s’agit nullement ici, comme dans la légende dorée de l’astrologie, d’imaginer, du moins au départ, une Humanité décryptant les décrets des astres mais d’une Humanité recherchant, en quelque sorte, une alliance avec les astres, de façon à générer une synergie, une symbiose, une alliance dans laquelle les astres, si l’on peut dire, apporteraient leur cyclicité et où les hommes donneraient du sens. On est donc ici très loin de lasel laquelle les astres seraient en soi porteurs de sens. Par la suite, évidemment, les hommes ayant perdu les données de la dite alliance, il leur fallu retrouver celles-ci : passage du conscient au subconscient puis à nouveau du subconscient au conscient, l’on pourrait parler d’un processus semblable au passage de l’état de veille à celui de sommeil, où l’humanité fonctionne en pilotage automatique (cf notre article « L’astrologie comme hypno-savoir : en réponse aux travaux de Geoffrey Dean », rubrique astrologica, Encyclopaedia Hermetica, site ramkat.free.fr) L’on tend à confondre ces deux stades : celui où l’on dessine un croquis, celui où on le déchire, celui où l’on restitue le puzzle. L’astrologie est l’étude par l’homme d’un puzzle dont il est lui-même l’auteur mais dont il aurait oublié le tracé.
Ce premier stade, selon nous, a comporté deux grands moments : d’une part l’importance accordée au cycle lunaire, de l’autre au moment de la naissance étant entendu que dans chaque cas il s’agit d’une instrumentalisation. Le caractère progressif de cette instrumentalisation montre déjà que le rapport aux astres ne s’impose pas aux hommes mais se présente comme une solution intéressante qu’il faut situer dans le champ d’un progrès technologique un peu à la façon des moulins à vent ou à eau, lesquels recourent aux Quatre Eléments chers aux astrologues. Ces Eléments, dont on sait qu’ils ont été intégrés au sein du corpus astrologique, seraient ainsi à considérer comme des apports d’énergie à l’activité des hommes, des « conquêtes » comme on dit du cheval que c’est « la plus belle ». Ce qui distingue les astres des éléments, c’est qu’avec les astres, les hommes paient de leur personne, se transforment en quelque sorte en machines, en moulins à lune, en quelque sorte, en capteurs de signaux célestes. Il s’agit là de s’inscrire dans un certain darwinisme impliquant que l’évolution des espèces n’est pas simplement une adaptation à un environnement qui s’imposerait au vivant mais de la faculté à utiliser l’environnement pour acquérir une supériorité par rapport à ceux qui ne savent pas générer des symbioses et des synergies, ce qui est probablement au cœur du génie humain.
Ce qui rend difficile la compréhension de ce premier stade tient largement au fait que les hommes ne conçoivent plus guère le progrès sous cette forme. Si cette voie avait continué à être explorer, qui consiste à créer des synergies avec l’environnement physique, l’on ne connaîtrait pas les difficultés que nos contemporains reconnaissent pour comprendre la genèse de l’astrologie. Car avec ce branchement sur la dynamique céleste, l’Humanité effectue un saut considérable par rapport à d’autres animaux et selon nous ce n’est qu’alors que l’on peut vraiment parler d’Humanité.
Notre époque est en effet marquée par le progrès technologique, lequel n’implique pas de la part des hommes un quelconque progrès des facultés mais aussi par un progrès constitutionnel qui n’est pas sans rapport formel avec une astrologie cyclique (cf infra), le nombre de pays qui acceptent la périodicisation de leur vie politique tend à augmenter.
Selon nous, la voie de la mutation de l’Homme a été largement délaissée au profit d’une évolution accélérée de ce qui l’entoure et singulièrement du monde inférieur, celui des machines. Même les astrologues n’acceptent pas, dans leur grande majorité, la thèse d’une alliance, d’une instrumentalisation et veulent se convaincre qu’un tel lien a toujours existé et par conséquent ne saurait constituer un progrès pour l’Humanité laquelle n’aurait fait, tout au plus, que prendre conscience d’une réalité existant de toute éternité. L’on peut imaginer que des extra-terrestres aient pu évoluer autrement et auraient sensiblement changé au fur et à mesure de leur Histoire au point que leurs ancêtres soient méconnaissables. Ce n’est pas le cas de l’Humanité qui reste la même alors que le monde des machines, quant à lui, présente un aspect radicalement neuf et qui ne cesse de se métamorphoser; qui plus est, le progrès technologique fait de nous d’éternels étudiants qui doivent s’adapter à de nouveaux dispositifs. En ce sens, l’humanité de base ne ferait qu’accompagner, suivre le progrès technique généré par une caste de techno-pretres qui, sous couvert de modernité, imposent des techno-modes à l’ensemble du monde. La machine nous fait régresser intellectuellement quand nous menons des recherches (par le biais d’un moteur de recherche ou simplement en se servant de la fonction recherche pour circuler dans un texte, cf aussi le système espion Echelon) ou opérons des classements par mot clef – c’est à dire par signifiant – ce qui nous permet de gérer un corpus sans nous poser la question du sens ; on parle d’hypertexte, de renvoi ; on rapprochera des phrases qui comportent le même mot plutôt que le même sens- ce qui serait tellement plus aléatoire et difficile à démontrer, tant et si bien que même celui qui ne connaitrait aucune langue pourrait accomplir un tel travail de connexion, il y a bien là un risque de nivellement par le bas de notre intellect qui donne l’illusion d’un dépassement mimétique des différences au sein d’une humanité qui reste pourtant fortement dualisée. L’usage de la machine, de l’automobile à l’ordinateur, génère un comportement moyen, ce qui facilite et encourage le mimétisme ; on notera qu’il existe deux formes de mimétisme : soit l’on prétend que l’on est (comme) l’autre soit que l’autre est (comme) soi. Cela rappelle cette anecdote de cet homme qui en passant dans une rue observe un autre homme entre de chercher quelque chose près d’un bec de gaz, il lui demande ce qui se passe et l’autre lui répond qu’il a perdu sa montre tout en reconnaissant finalement qu’il l’a perdu ailleurs mais qu’ailleurs ce n’est pas éclairé!
Ajoutons que la mort n’a pas le même sens si l’homme est lui-même un instrument ou s’il se sert d’un instrument, sa valeur intrinsèque étant plus élevée dans le premier cas. Dans l’absolu, celui dont on nie la fonction ontologique est en sursis. Le fait que les femmes, les enfants et les machines extérieures (celles de la révolution industrielle) mais aussi intérieures ( celles que gèrent la médecine, la psychanalyse à savoir notre corps, notre subconscient, notre mémoire qui sont à notre service) fonctionnent mentalement de la même façon, par signifiant et non par signifié, parvient à constituer une sorte de nébuleuse de plus en plus envahissante. On notera d’ailleurs que les relations au sein même de cette nébuleuse ne sont pas évidentes, les enfants exigeant, de plus en plus tôt, une certaine égalité, ce qui fait des femmes, dans leur rôle de mères, des apprentis sorciers, ayant ouvert la boîte de Pandore du mimétisme.
Or il est clair que le signifiant est beaucoup plus accessible que le signifié, que l’un est indiscutable – tel mot et pas tel autre – alors que l’autre est indéfiniment sujet à débat – qu’est-ce qui est dit à travers ces mots, ces signes ? Le signifiant ne renvoie stricto sensu qu’à lui-même tandis que chaque signifié, c’est à dire le signifiant en quête de sens, se réfère, virtuellement à la totalité du monde. En fait, les sociétés n’ont qu’un besoin très limité du langage, ce sont les étrangers qui y ont recours du fait qu’on ne comprend pas ce qu’ils veulent et qu’ils ne comprennent ce que l’on veut ; Le langage serait une interface entre deux sociéts plutôt que le fondement d’une société donnée et c’est d’ailleurs pour cela que tant de mots sont communs d’une langue à l’autre. L’étranger qui parle se trahit ainsi doublement, à la fois parce qu’il parle et parce qu’il parle mal. Il a quelque réticence à poser des questions qui pourraient trahir son ignorance. Dans une société homogène et axée sur des affaires communes à tous ses membres, quel besoin de parler? En revanche, dans une société hétérogène, chaque membre est obligé de se raconter parce qu’il parle d’un lieu différent.
Les langues sémitiques sont d’un certain enseignement sur ce point : quand on lit une page en hébreu, par exemple, réduite habituellement aux consonnes, nous avons affaire moins à des signifiants bruts qu’à des signifiants en attente de signifié, à la différence du français. En effet, chaque forme écrite doit alors être confrontée à la totalité de notre mémoire pour être identifiée et encore peut-il se trouver des lecteurs qui ne soient pas d’accord entre eux sur ce à quoi renvoie la forme en question, dans le contexte concerné, lequel demande précisément à être déterminé.
Cette première phase symbiotique telle que Gauquelin semble l’avoir appréhendée – si tant est que ses résultats statistiques parviennent à résister, ne serait-ce que partiellement – à la critique engagée à leur propos- correspondrait, au vrai, plutôt à une proto-astrologie car elle ne permet pas encore de découper le temps en périodes relativement longues. Cette première phase utilise les astres à l’instar d’heures planétaires, pour organiser la journée et notamment le cycle des naissances, elle aurait donc une dimension de répartition dans le temps de diverses activités biologiques et notamment des accouchements. Il faudra attendre l’étape suivante pour que le temps s’expanse et que les phases couvrent plusieurs années.
A une phase polyplanétaire, comme celle décrite par Gauquelin, et qui se situe dans un socio-découpage spatial, fait suite une phase monoplanétaire, qui correspond à l’articulation de phases autour d’un cycle. On ne peut s’empêcher de songer à la dialectique entre polythéisme et monothéisme, telle qu’elle est campée dans l’Ancien Testament.
Il convient toutefois de préciser que le phénomène astrologique décrit par Gauquelin peut être qualifié d’astrologie inférieure, il concerne la naissance de l’enfant, les rapports de la mère à l’enfant, ce que nous considérons comme une population subalterne. En revanche, nous qualifierions d’astrologie supérieure, les cycles qui rythment la vie de la Cité et déterminent des changements socio-politiques. Rappelons que l’astrologie inférieure s’appuie sur des données astronomiques beaucoup plus frustres : si une telle astrologie dépend ipso facto des cycles, elle reste sur ce point tout à fait empirique : dépendre d’un phénoméne n’implique pas de le connaître. On peut être trempé par la pluie et ne pas s’y connaître en météorologie. Ce dont l’astrologie inférieure a besoin de connaître concerne uniquement le passage quotidien des astres dans le ciel de naissance et non le fait que les astres suivent un cycle universel qui ne dépend pas de tel ou tel lieu. De la même façon, l’étude individuelle permise par cette astrologie inférieure ne permet aucunement d’accéder à une appréhension globale de la société.
2 La théorie du législateur X
Pour nombre de penseurs contemporains de l’Astrologie, à la différence de la Bible ou des Centuries, il ne saurait exister un Moïse ou un Nostradamus de l’Astrologie. A la suite de Kepler, un Jean-Pierre Nicola ou un Daniel Verney et ceux qui s’en inspirent, tout se passe comme s’il suffisait de prendre connaissance de l’état actuel du ciel pour accéder au « texte » astrologique originel.
En d’autres termes, la « critique » astrologique – comme l’on parle de la critique biblique- se réduirait à se reporter à la source primordiale que serait le cosmos. Une telle vision des choses nous semble, 400 après les écrits képleriens, assez dépassée.
La tradition astrologique ne saurait en aucune façon, en effet, être considérée comme n’étant qu’une lecture « objective » du Ciel que l’on pourrait restituer en recherchant le message inhérent à la disposition ‘objective » des astres dans le système solaire. Pour Kepler, le nom des signes ne correspondait plus qu’à des appellations sans signification – comme le pensent d’ailleurs de nos jours les astronomes – ce qui s’apparente à une instrumentalisation du zodiaque dont le contenu est considéré comme indifférent. Une telle approche comme l’a montré Gérard Simon (Kepler astronome, astrologue, op. cit.) refuse toute instrumentalisation du ciel par l’Humanité, c’est à dire tout décalage entre le ciel tel qu’il est en soi et tel que les astrologues le perçoivent ; Kepler n’envisage donc aucunement que les hommes aient pu effectuer un quelconque tri parmi tous les paramètres astronomiques possibles. Pour l’école keplerienne de la seconde moitié du XXe siècle, l’astrologie peut tout au plus proposer de conférer du sens aux astres mais certainement pas d’en déterminer le nombre dont l’astrologie se sert. Bien plus, elle assigne à l’astrologie la prise en compte d’astres inconnus de l’Antiquité et en fait jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, ce qui contribue à déconnecter totalement celle-ci de toute historicité.
Nous proposons, pour notre part, la théorie du législateur X. Il s’agit d’appeler ainsi celui qui a légiféré sur l’usage à faire du Ciel. Il peut bien entendu s’agir d’un collectif ayant oeuvré sur une période de temps plus ou moins longue. Ce « législateur X » doit être considéré comme tout auteur d’ouvrage au sens de l’histoire des textes. Il ne s’agit évidemment pas de lui attribuer l’intégralité de la tradition astrologique mais bien un modèle fondateur qui est celui qui aura été respecté et adopté par une certaine société sur une certaine période de temps dans la mesure où c’est cet acte juridico-politique qui aura institué dans notre psychisme, dans nos facultés subconscientes, une sensibilité sélective aux configurations astrales.
Pour reconstituer l’ouvrage du législateur X, il ne suffit point de faire l’inventaire de tout ce que l’Humanité connaissait du ciel autrefois et encore moins de nos jours, en ce début de XXIe siècle. Ce serait comme, en l’absence de la Bible, d’attribuer à Moïse la langue hébraïque ancienne ou moderne sans savoir quel discours il en tirerait. Les astres sont en effet des mots que l’on peut combiner de mille manières différentes.
Cette reconstitution de ce qui a été instauré par le législateur X passe par un examen attentif de tout ce qui nous est parvenu et conservé au sein de l’ensemble du corpus astrologique pris dans un sens très large. , En séparant chaque élément spécifique l’un de l’autre, de façon à se dégager de l’emprise syncrétique.
Parallèlement, en s’appuyant sur un modèle anthropologique – ce que récusait complètement Kepler- s’interroger sur les motivations qui entraînèrent l’Humanité à s’appuyer, si l’on peut dire, sur le mouvement des astres, ce qui ne pouvait être que fonction des perceptions et des besoins. Autrement dit, le travail de l’historien des textes ne saurait se couper de celui de l’anthropologue.
3 La mancie astronomique
L’Histoire de l’Astrologie révèle une contamination due à ce que nous appellerons une mancie astronomique. Nous qualifions de mancie un procédé divinatoire consistant à observer le monde tel qu’il se présente à un moment donné, celui où une question est posée par exemple, et à en tirer ponctuellement un enseignement. Il y a des mancies naturelles, de plein air, comme la thématologie qui se servent de phénomènes se produisant indépendamment du consultant et de son client et il y a des mancies artificielles, en chambre, qui fonctionnent à partir d’une présélection de données entre lesquelles s’effectuera un tirage (Yi King, Tarot, Géomancie etc). On dira que les unes sont plus à pratiquées pendant la belle saison, les autres au coin du feu, sur une table. L’observation des astres se fait a priori à l’extérieur et la gravure de titre du Kalendrier des Bergers représente des bergers à la belle étoile. Il est probable que la thématologie n’exigeait pas de table, le ciel servant en quelque sorte de tableau noir. Ce n’est que par la suite que les thématologues prirent l’habitude de faire des calculs sans avoir à observer le Ciel directement, surtout, bien entendu, quand il fallait dresser un thème natal rétrospectif. Mais la coutume voulait de regarder le ciel au moment de la naissance, ce qui se passa encore quand le futur Louis XIV naquit en 1638. Le plus souvent, quand on allait voir l’astrologue, l’on dressait le thème du moment où la question était posée et non le thème natal. (cf Claude Dariot. Introduction au jugement des astres, Lyon, 1558, Reed. 1990), ce qu’on appelle assez peu correctement astrologie horaire, celle -ci prenant en compte la planète de l’heure ; le terme astrologie questionnaire ou des interrogations semblant plus pertinent tout comme celui d’élection, pour chosir la meilleure date pour agir sur un certain plan…
La thématologie actuelle inclue bien entendu les planètes au delà de Saturne, invisibles à l’oeil nu – encore qu’Uranus soit repérable sans lunette- et revendique la prise en compte de l’ensemble du ciel disponible, à la différence de l’astrologie, telle que nous la concevons, qui cherche avant tout à suivre un processus cyclique sur plusieurs années et non de décrypter une carte du ciel.. On pourrait ainsi parler d’un rapprochement entre thématologie et ce que nous appelons astronomologie (cf infra)
4 La constitution de phases au sein d’un cycle unique
On passe d’une phase où le ciel est perçu comme une totalité – ce qu’exprime par excellence le thème astral – à une phase sélective, qui est véritablement constitutive d’une astrologie juridico-politique et non plus d’une forme de présage et de message émanant du Ciel. En ce sens, nous pensons que le thème astral est antérieur à l’astrologie cyclique et que les deux approches fusionneront ultérieurement. Comment, d’ailleurs, cela aurait-il pu être évité, à terme, en période de syncrétisme, du fait de l’existence d’un même référentiel, abstraction fait de ses différences de traitement ? Le problème n’est pas tant que certains rapprochements se soient produit mais qu’ils aient perduré indéfiniment.
Cette autre étape, fonction du progrès dans la connaissance du système solaire, aura consisté à opter pour une cyclicité supérieure à celle de l’année. Pour cela, l’on pouvait soit choisir un astre comme mars-planéte dont le cycle était de 697 jours, soit moins de deux ans, ce qui était peut-être un peu court, soit comme Jupiter -planète dont le cycle est de 12 ans mais que l’on pouvait diviser en quatre phases de trois ans ou enfin comme Saturne- planète dont le cycle est de 29 ans environ, ce qui donne 4 phases de quatre ans, ce découpage en quatre étant repris du cycle solaire. Pour qualifier ces phases et les différencier, il semble que l’on ait puisé dans le réservoir des dieux, ce qui revenait par exemple à relier une phase à Vénus- déesse et l’autre à Mars dieu.
Quand nous parlons de Saturne, nous n’entendons pas ici, on l’aura compris, de nous référer au dieu Saturne mais bien à la planète désignée sous ce nom et sans que le nom de Saturne nous importe. Le fait que nous nous référions à Saturne ne signifie pas non plus que nous acceptions les autres planètes dans la foulée.
Il semble qu’à un certain stade de la doctrine astrologique, l’on ait abandonné une présentation duelle, avec alternance de deux phases, pour adopter une plus grande diversification des phases par annexion des mois zodiacaux, eux-mêmes associés à des dieux (domiciles, exaltations).
Autant si l’on en reste au stade cyclique, l’on peut se contenter de recourir à une donnée astronomique objective, autant si l’on passe au stade phasique, l’on bascule vers une astrologie dont on conçoit qu’elle ne fait sens pour l’Homme que dans la mesure où il lui a assigné quelque signification non pas ponctuelle mais dialectique. Donc aucune planète n’agira de son propre chef dans la mesure où seul le découpage, déterminé par les hommes, permet des changements, des revirements. Le matériau astronomique brut a besoin d’être raffiné par le traitement astrologique. Ainsi, parler d’une influence des astres sur les hommes en dehors voire avant l’émergence de la conscience humaine, à leur insu, nous semble irrecevable.
Cette phase, on aura compris, correspond à un état plus avancé de connaissance du systéme solaire, ce qui ne signifie aucunement qu’elle ait à prendre en compte la totalité du dit système : une seule planéte lui suffit qu’elle décompose, décline et démultiplie en phases, ce qui n’est pas sans faire songer à la Trinité, au sein du christianisme : le Père, le Fils et le Saint Esprit. Mais à cette phase monoplanétaire fera suite une nouvelle phase polyplanétaire, qui multipliera les cycles, non sans produire une belle anarchie au nouveau des paramètres chronologiques.
Cette phase correspond à l’état le plus probant du phénomène astrologique et c’est à ce stade qu’il conviendrait de revenir, correspondant au concept d’une astrologie prévisible. Entendons par là que les membres de cette société organisée sur une telle base cyclique sont en mesure non seulement de prévoir la progression dans le ciel du cycle considéré mais en outre d’en prévoir les effets et les enjeux dans les grandes lignes pour telle ou telle population clairement identifiable, ce qui s’oppose à une astrologie imprévisible, du fait que le nombre de combinaisons astrales et le nombre des effets conduit à ce que les membres de la dite société ne disposent pas de critères leur permettant de prévoir et ce d’autant que la connaissance de la date de naissance n’est pas accessible d’emblée, que chaque individu a une date qui lui est propre et que pendant longtemps cette date était généralement inconnue et/ou fort difficilement accessible. On en arrive à la conclusion qu’une astrologie s’appuyant sur la date de naissance n’est pas socialement viable et praticable. C’est ce qui nous amène à considérer les résultats de Gauquelin comme concernant un phénomène périphérique relevant de la vie privée puisqu’en pratique l’information nécessaire pour accéder à la signature astrale n’était pas disponible, sauf à supposer – ce qui n’est d’ailleurs pas exclus – que chaque type planétaire s’habillât différemment, avec une couleur spécifique. Mais en tout état de cause, l’information concernerait la fonction et non les phases de vie de la personne, sauf à combiner artificiellement des techniques incompatibles. Ajoutons que cette fonction n’épuisait aucunement la complexité de la personnalité et que la vocation du thème astral au sens gauquelinien du terme n’était nullement de dépasser le stade de la fonction, de la vocation socioprofessionnelle.
On ne saurait parler du passage d’une forme d’astrologie à une autre mais de la coexistence de plusieurs discours sur les astres aboutissant à un corpus syncrétique. Plus exactement, ne s’agirait-il pas plutôt d’une astrolâtrie que d’une astrologie ? Cette astrolâtrie polyplanétaire détermine pour chaque planéte quelle divinité y demeurera.
Par la suite, il semble qu’il y ait eu rapprochement entre cette astrolâtrie polyplanétaire articulée autour d’une suite de cycles et une astrologie en quelque sorte monoplanétaire divisée en phases.
5 Le biplanétarisme Jupiter-Saturne
Pour qu’il y ait cycle, il faut qu’il y ait un point de départ, c’est à dire une conjonction entre deux facteurs. Si l’un des facteurs est une planète, l’autre facteur peut fort bien être une étoile fixe, ce qui préserve le temps de révolution de l’astre considéré. Le Zodiaque lui-même est une succession de phases dont le point de départ serait une étoile et non pas le point vernal comme on l’affirme généralement, pas plus que dans un thème, l’ascendant ne saurait correspondre à l’horizon en tant que tel mais à une étoile se levant au moment de la naissance.
Mais à partir du Xe siècle va progressivement, avec Albumasar (Abou Mashar), s’imposer un biplanétarisme et notamment la conjonction Jupiter-Saturne, les deux astres les plus lents du système solaire tel que l’Antiquité et le Moyen Age le connaissait. Il y a une déviance dans ce biplanétarisme qui renonce à l’étalon stellaire. Les phases de ce cycle correspondent non pas tant aux signes zodiacaux qu’aux quatre éléments auxquels sont associés les dits signes. Un angle de 120° (trigone) sépare chaque conjonction, ce qui contribuera à faire considérer cet angle comme bénéfique et ce aux dépends du carré de 90° alors que le carré est l’angle structurel par excellence – un équinoxe est en carré avec le solstice qui le précède et celui qui le suit – et que le cycle se divise en carrés et semi-carrés. Notre habitat n’est-il pas marqué singulièrement par les angles droits, à commencer par les pièces dans lesquelles nous vivons ou les meubles que nous y plaçons ? Le carré et non le triangle… Quant au semi-carré (45°), il est à mi-chemin entre deux carrés, ce qui n’est pas le cas du trigone (90° +30° = 120°). . Ne dit-on pas contrecarrer pour indiquer que l’on ne laisse pas les choses se dérouler comme prévu ? Et voilà que nos astrologues dénigrent le carré et ne jurent que par le triangle, le « bon » aspect par excellence ! Cet angle de 120° nous apparaît comme un apport syncrétique pour la théorie des aspects initialement articulée sur le cycle solaire et une base deux ou quatre. Un tel découpage du ciel en triangles n’a plus rien de commun avec le dit cycle. La fortune de cet aspect n’en est pas moins remarquable : aspect particulièrement recherché par l’astrologue amateur et dont on vient de noter qu’il sous-tendait la théorie des grandes conjonctions. Bien plus, les quatre triangles -synonyme de trigones- trois angles-, sens premier de l’aspect- du fait qu’ils sont liés chacun à un Elément sont un vecteur fort de la psychologie astrologique. Pourtant, nous avons bien là interférence avec une autre astrologie qui n’a plus grand chose paradoxalement à voir avec le quaternaire des saisons -on disait autrefois les Quatre Temps – en dépit de la présence de quatre Eléments, puisque ces éléments se répartissent entre trois saisons sur quatre, ce qui peut sembler assez bancal comme dispositif. On ne voit d’ailleurs pas pourquoi l’on qualifierait d’harmonique un aspect reliant deux planètes dont l’une est au début d’une saison A et l’autre à la fin d’une saison B. Qu’ont-elles en commun si ce n’est justement ce fameux triangle?.En fait, le trigone (120°), le sextile (60°) et tout particulièrement le semi-sextile (30°) nous semblent bien liés à la division du cercle en 12 alors que le carré (90°), le semi-carré (45°) et le sesqui-carré (135°) correspondent à une division du cercle en 8. Les deux systémes auront fini par se combiner, encore que Ptolémée ne dise mot des aspects de 45° ou de 135°, ce qui montre qu’il privilégiait la division en 12 – d’où son dispositif ajustant le septénaire sur le zodiaque – à la division en 8 pourtant beaucoup plus simple à mettre en place, puisque fondée sur une succesion de division binaire: on passe du 1 au 2, du 2 au 4 et du 4 au 8, du 8 au 16, en géomancie, pour arriver au 64 avec le I Ching ce qui exclue le 12 alors que Ptolémée laisse entendre qu’il faut diviser d’abord en 2 puis en 6 ou encore de 2 à nouveau en 2 puis en 3, le découpage binaire se trouvant ainsi interrompu pour un découpage sénaire ou ternaire.(La seule légitimité de la division en 12 est l’existence totalement aléatoire de 12 rencontres soli-lunaires mais cette division n’est pas techniquement viable, la plus évidente étant de loin celle qui divise par moitié : l’Homme tend à faire une pause à mi-parcours, à mi-chemin, à la mi-temps. C’est là plus une donnée astronomique qu’anthropologique, plus cérébrale que psychique et à notre avis elle n’a jamais été intégrée en profondeur à la différence du 2, du 4 et du 8 qui se déploient par dédoublements successifs. Ajoutons que si l’on divise d’abord en trois, puis à nouveau en 3, on parvient à 9 mais non pas à 12. Aucun diviseur ne donne le 12, – sauf le 12 lui-même – sauf à en changer en cours de route. Certes, nous divisons nos montres en 12 et notre journée en 24 heures mais un tel découpage n’a selon nous rien d’évident. On notera que la durée moyenne d’un film ou d’un match de foot ball est de 90 minutes, soit le seizième d’une journée. (durée de rotation de la Terre sur elle-même).
En fait, les astrologues ne tiennent pas assez compte du récepteur humain qu’ils tendent à surcharger de responsabilités. Si d’un côté, ils tendent à lui refuser de s’être autodéterminé par rapport aux astres et d’avoir sélectionné les configurations célestes qui feraient sens pour lui, de l’autre, ils supposent le dit récepteur d’être capable d’enregistrer un nombre incessant et quasi-infini d’informations d’origine céleste, notamment du fait de la théorie des transits qui implique un flux permanent de connexions entre les mouvements astraux et le thème natal, tout au long de la vie.
Pour notre part, nous proposons de distinguer un subconscient solaire très ancien, valable au niveau génétique et ne comportant qu’un nombre très limité de catégories, telles que le masculin et le féminin, au niveau de l’espace social, une alternance très fruste de phases, au niveau du temps social, lequel subconscient est peu apte à se transformer et un subconscient solaire en constant renouvellement et différent d’un milieu à l’autre, de par la langue, de par diverses pratiques sociales, ce qui conduit notamment à distinguer le natif de souche de l’étranger, naturalisé ou non. Souvent, l’on tend à confondre ces deux niveaux d’automatismes, puisque c’est bien somme toute de cela qu’il s’agit. Le fait de partager un même bagage lunaire n’implique pas que l’on ait le même bagage solaire et vice versa.. Il serait bon que l’astrologie introduisît les notions de solarité et de lunarité pour désigner et distinguer l’inné et l’acquis. En fait, il vaudrait mieux parler d’un premier déterminisme, solaire, et d’un second déterminisme, lunaire, étant donné que ce qui est inné, instinctif,, est au départ aussi un acquis mais beaucoup plus ancien, plus profond et par là plus universel . L’astrologie serait une alternance entre ces deux déterminismes, l’un renvoyant à des infrastructures basiques, supranationales, dont une astrologie originelle fait partie tandis que l’autre est lié à des superstructures culturelles, liées à l’éducation reçue dès l’enfance et dont l’astrologie moderne est une manifestation.
En phase solaire, l’on relativisera, donc, l’importance du culturel par rapport au naturel tandis qu’ en phase lunaire l’on considère que les clivages sociaux sont indépassables, selon la formule du yin-yang. D’où des périodes où certains problèmes semblent insolubles et où les politiciens tendent à désespérer, ce qui peut les conduire à prendre des mesures radicales, tantôt sur le plan sexo-racial (en phase solaire) ou sur le plan socio-religieux (en phase lunaire), alternant racisme et xénophobie. C’est dire que nos sociétés, du fait qu’elles vivent alternativement sur deux registres sont en perpétuel mouvement, disons qu’elles sont à géométrie variable, tantôt se situant sur le plan du primat génétique, tantôt tentant de le dépasser en privilégiant le milieu. Il nous semble donc que l’astrologie ait pour vocation principale de suivre un tel ballet, qui ressemble quelque peu au jeu des chaises musicales, diverses populations se retrouvant à tour de rôle sur la sellette, c’est dire quelle pourrait être son utilité sociale. Il nous apparaît que si l’astrologie s’est repliée sur le registre de la vie privée, c’est tout simplement parce qu’elle n’avait plus guère l’oreille de la classe politique. Le XXIe siècle devrait être celui de sa réhabilitation et lui permettre de retrouver la place qui était la sienne au XVIe siècle et qu’elle a perdue quand le pouvoir a cru pouvoir s’en émanciper et lui substituer d’autres structures très proches en fait du projet astrologique initial, tel qu’il s’était mis en place des millénaires plus tôt. Le problème que pose l’astrologie est en fait celui-la : peut-on mettre en place un ordre nouveau ou bien ne peut-on que conscientiser celui qui, de toute façon, est subconsciemment, à l’œuvre, l’ humanité n’étant pas encore en mesure de se déprogrammer ?
Or il nous semble essentiel de souligner à quel point notre subconscient solaire n’accepte que des notions et des applications simples à la différence de notre subconscient solaire, lequel ne s’inscrit pas dans une mémoire génétique car il a vocation à évoluer en permanence et non pas à se figer. Le dilemme, pour les astrologues est le suivant : soit affirmer une hérédité astrale génétique forcément extrêmement rudimentaire, soit élaborer des modèles sophistiqués, « matriciels », selon la formule de Patrice Guinard, dans son Manifeste (sur le site CURA), et dans ce cas, l’astrologie n’est plus qu’un savoir en mouvement nullement transmissible en dehors de cénacles fermés, sur la base d’une culture livresque, le livre à notre connaissance n’étant pas objet sur lequel le subconscient solaire peut se brancher dont nous supposerons qu’il ne sait pas lire nos alphabets à moins que ceux-ci ne s’articulent sur des objets matériels visibles de tous comme le sont certains astres. En définitive, l’astrologie aurait surtout à nous dire combien de temps nous est imparti pour agir dans tel registre et non quand les choses vont nous arriver précisément. L’astrologie devrait parler de risques, d’opportunités qui vont se présenter pour accomplir un certain type d’action au cours d’une certaine plage de temps qui ne se comptera ni en jours, ni en mois mais en années. Pour un individu isolé, il y a aura des temps morts au cours de la période considérée mais au niveau collectif, la période sera pleine de tout un ensemble de tentatives ou de réalisations qui se chevaucheront et se succéderont. L’astrologie est un habit trop grand pour être revêtu par une seule personne et il est fâcheux que l’on cherche à ajuster cet habit au niveau de la dite personne, ce qui revient à pousser celle-ci à la faute. De là à renoncer à prévoir, certains comme P. Guinard ont franchi le pas. Or, le diagnostic est le suivant, il concerne le mode d’emploi : l’astrologie ne fait pas dans le sur mesure, c’est un transport en commun et non une voiture privée.
Un peu comme pour le ramadan, le neuvième mois du calendrier lunaire musulman, le cycle des grandes conjonctions (Jupiter-Saturne) va se promener tout autour du zodiaque en plus de huit siècles, tant et si bien que les conjonctions ne se reproduiront pas indéfiniment dans le même signe. Nous sommes là aux antipodes du système Etoile-planéte permettant que les aspects aient toujours lieu au même endroit du ciel, ce qui facilite singulièrement l’observation et le repérage.
Enfin, l’on dispose d’une astrologie qui ne se réfère pas au thème natal et qui introduit une dimension collective, ce qui est la base de l’astrologie mondiale. Par la suite, la technique des transits conduira à relier, à faire le pont entre astrologie mondiale et astrologie individuelle et donc thémique – que nous proposons désormais de qualifier simplement de thématologie. . Mariage de la carpe et du lapin entre une astrologie d’en haut et une astrologie d’en bas. A partir de ce cycle, d’autres cycles se mettent en place notamment ceux qui combinent deux planètes transsaturniennes tant et si bien que les cycles biplanétaires vont se multiplier, chacun étant subdivisé en signes du zodiaque et structuré par les aspects. L’inflation cyclique est déclenchée pour longtemps.
Le problème, c’est que ce cycle conjonctionnel qui semble s’être imposé à la conscience astrologique ; est un cadeau empoisonné de l’astrologie arabo-musulmane, structure ignorée d’ailleurs dans l’Antiquité et notamment absent du Tétrabible de Ptolémée, alors même que l’on disposait des connaissances nécessaires pour le mettre en place, tant astrologiquement ( les Quatre Eléments) qu’astronomiquement (les révolutions planétaires). Ce cycle est soulignons-le parfaitement étranger au symbolisme zodiacal auquel il substitue trois sous phases de 4 signes. La conjonction passe ainsi, inlassablement d’une sous-phase à l’autre, tous les 20 ans. Mais paradoxalement, cela fait du trigone un aspect critique. Il n’est que de lire la littérature du XVIe siècle sur les changements de triangle, lesquels changements impliquent toujours un trigone de 120° pour se rendre compte à quel la formation d’une nouvelle conjonction au trigone de la précédente peut inquiéter les esprits du point de vue de l’astrologie dite mondiale. Ainsi, ce trigone jugé si favorablement en astrologie individuelle est annonciateur de mutations profondes en astrologie collective..
Cette disposition triangulaire n’est aucunement en phase, au demeurant, avec le cycle solaire lequel fonctionne sur la base de carrés puisque divisé en quartiers. Or, aucune conjonction entre deux planètes ne restitue une telle articulation laquelle n’est possible que si l’on associe une planète avec une étoile fixe vu que la planète la plus lente ne le sera jamais assez et qu’au lieu de rester tranquillement à sa place elle aura bougé ; c’est bien là la quadrature du cercle – dans tous les sens du terme- de l’astrologie planétaire dès lors qu’elle abandonne le couple étoile-planéte.
Le trigone est donc bien une donnée astronomique aléatoire due au fait qu’entre deux conjonctions successives de Jupiter et de Saturne, se produisant tous les 20 ans, il y a un écart d’environ 120° . Mais si l’on considère d’autres conjonctions, on aura d’autres écarts. Prenons le cas des conjonctions Saturne-Neptune, chères à André Barbault – mais rappelons qu’on ignorait Neptune au Moyen Age – et qui se forment tous les 36 ans, l’écart interconjonctionnel sera un carré, puisqu’en 1953, on était en balance et en 1989 en capricorne.
L’historien de l’astrologie doit essayer de comprendre comment cet apport astronomique est venu perturber la tradition astrologique avant de s’y intégrer. durablement. Tout comme le septénaire (luminaires plus cinq planètes) s’est articulé sur les 12 signes – dans le Tétrabible, faisant ainsi le lien entre astrologie et astronomie, de même, grâce à Albumasar, l’astrologie mondiale allait pouvoir se doter d’une mécanique articulant les données cycliques les plus objectives, à savoir la périodicité des rencontres entre les planètes les plus lentes connues à l’époque, sur la théorie des Quatre Eléments.
Il lui faudrait également réfléchir sur les raisons qui ont conduit à la déchéance du modèle Jupiter Saturne auprès des historiens qui vont renoncer, à partir du XVIIIe siècle, à fonder leur science sur les étoiles, contrairement aux attentes d’un Jean Bodin. Selon nous, c’est le développement du système parlementaire qui aura « tué » l’astrologie. ; à partir du moment où les sociétés allaient progressivement se doter d’un agenda politique, décrit par le menu dans une constitution – on pense à l’exemple américain (1774) et à ses émules européennes – il n’était plus nécessaire de regarder vers le ciel pour savoir quand mourrait le roi, l’empereur, le pape, pour laisser la place à son successeur puisque le changement se produisait au niveau du Premier ministre en Angleterre ou du président du conseil en France, sous la IIIe République, ou du Président aux Etats Unis. C’est pourquoi nous pensons qu’il faut replacer l’histoire de l’astrologie dans le cadre d’une anthropologie du Droit. : le mot même d’élection, notons-le, appartient au langage de l’astrologie comme d’ailleurs celui de révolution.. Une nouvelle forme de détermination du temps social se mettait en place.
6. L’intégration de nouvelles planètes, à partir du XIXe siècle.
Si l’on n’avait pas découvert de nouveaux astres au delà de Saturne, jamais Pluton n’aurait retrouvé sa place au sein du langage astrologique. Or, la dialectique Pluton-Proserpine est bien plus importante que celle de Jupiter-Saturne sur le plan symbolique et saisonnier. et vaut bien le couple Mars-Vénus et Soleil -Lune. L’astrologie du XXe siècle se sera donc réapproprié Pluton, la troisiéme transplutonienne et encore a-t-il fallu accorder d’abord Uranus et Neptune aux deux premières transsaturniennes alors que Pluton aurait pu fort bien désigner la planéte découverte en 1781 par Herschell et Proserpine celle découverte par Le Verreier en 1846…. Il est vrai qu’une fois Pluton réintégré, les astrologues – avec la bénédiction des astronomes – ne le négligèrent plus mais se virent contraints de l’associer à un astre mettant environ deux siècles et demi pour parcourir tout le zodiaque. et quant à Proserpine, elle a droit de cité depuis 1801 grâce à sa mère Cérés, le premier astéroïde découvert ,par un astronome sicilien, d’où son nom. (cf J. Halbronn, La Vie astrologique, années trente cinquante, Paris, Ed. La Grande Conjonction-G. Trédaniel, 1995 et Olivier Peyrebrune, Quoi de neuf sous le soleil ou l’astrologie démasquée, Paris, Le nouvel athanor, 1987). Mais quelle tentation de classer comme féminins les astres correspondant à des déesses et comme masculins les astres correspondant à des dieux! Or, comme Apollon est le dieu du soleil est-ce que cela ne suffit pas à faire du soleil un astre masculin, n’est-ce pas tout comme Diane -Artémis est liée à la Lune, ce qui ne peut que la féminiser. Encore que l’on puisse s’interroger sur le fait que cette déesse soit chasseresse, ce qui n’est pas nécessairement une activité féminine.
Qu’est-ce qui caractérise l’astrologie contemporaine ? Nous dirons un nouveau syncrétisme qui va agréger à la « tradition » la théorie des ères précessionnelles chère aux historiens des religions de la fin du XVIIIe siècle et à certains ésotéristes ne se disant point pour autant astrologues et la série des planètes transsaturniennes initiée à la même époque par l’astronomie du système solaire et commentée par des astrologues d’un genre un peu nouveau. On parlera d’astronomologie, tant le lien entre astrologie et astronomie prend des proportions symbiotiques..
Or, de nos jours, ces deux ensembles sont généralement considérés comme des parties intégrantes du savoir astrologique, la question est de savoir quels effets leur intégration a eu sur l’état général du dit savoir.
En ce qui concerne l’Ere du Verseau (cf infra), un Paul Le Cour en 1937 quand il publie un ouvrage de ce nom, avec pour sous titre « l’avènement de Ganymède », ne se revendique pas pour astrologue, c’est à dire qu’il n’applique pas grosso modo les préceptes du Tetrabiblos. De fait, l’entrée successive du point vernal (dans l’hémisphère nord) dans une chaîne de constellations ne relève pas de l’astrologie traditionnelle, essentiellement tropicaliste, d’autant que la critique de l’astrologie souligne volontiers un tel glissement entre diverses représentations du Zodiaque.
En ce qui concerne Uranus, planète découverte en 1781, elle sera bientôt associée à la Révolution française mais, selon nous, selon un type de raisonnement bien différent de celui de l’astrologie traditionnelle. En effet, cette planète, dans les décennies qui suivront, sera associée au climat révolutionnaire qui domine en France.
On peut se demander en effet si cette planète peut ainsi être définie par un événement qui fait suite ponctuellement à la date de sa découverte. Selon nous, un tel raisonnement appartient à une astrologie d’un nouveau type qui ne tient pas compte de l’astrologie traditionnelle à l’instar de ce qui se passa pour les ères. Tout se passe en effet comme si le XIXe siècle réinventait, à sa manière, l’astrologie au point que les astronomes, eux-mêmes se mirent de la partie en baptisant divers astres de noms de divinités mythologiques. Encore une fois, ce n’est que dans un deuxième temps qu’un rapprochement se fera entre une astrologie post cométique qui associe la découverte de nouvelles planètes à de nouvelles périodes de l’Humanité et une astrologie traditionnelle s’articulant sur une cyclicité et non sur une émergence.
Le rôle de la communauté astronomique depuis la fin du XVIIIe siècle quant à la constitution d’une nouvelle astrologie ne saurait être sous estimé : il est dommage que les astrologues, en règle général, n’aient pas eu voix au chapitre et en même temps en quoi ces nouveaux astres les concernaient-ils alors même qu’ils avaient été absents de leur littérature des siècles durant ? Toujours est-il que lorsqu’il se confirma que les astronomes attribuaient/affublaient les planètes post saturniennes de noms de dieux empruntés à la mythologie, les astrologues auraient pu protester et en tout cas ne pas les suivre, faire d’autres suggestions, des contre-propositions. Il n’en fut rien. Ce qui est probable, c’est que le fait que ces noms de dieux étaient choisis hors des cénacles astrologiques leur conférait comme une sorte de valeur objective. Le fait est que les astrologues s’embarquèrent dans la galère astronomique et se placèrent face à leur propre savoir dans un certain rapport d’aliénation et par rapport à une tradition immémoriale et envers une astronomie avançant à son propre rythme, composant ses chansons à sa guise et dont l’astrologie devenait la groupie, reprenant docilement le refrain « Oh toi Uranus, toi Neptune, toi Pluton comme je vous aime, entre vous trois mon cœur balance !’
Or, force est de constater que ces diverses « astrologies » ne sont guère compatibles et on le voit particulièrement avec le cas d’Uranus : en effet, qui pourrait prétendre que l’astrologie du XVIe siècle ignorait les problématiques du changement ? Signalons ainsi le traité de Claude Duret, paru à la fin du XVIe siècle, à Lyon
1594 Discours de la vérité des causes et effets des décadences, mutations, changemens, conversions et ruines des Monarchies, Empires, Royaumes et Républiques selon l’opinion et doctrine des Anciens et Modernes.Au Tres Chrestien,Très grand et très invincible Roy de France et de Navarre Henri IIII de ce nom/A Moulins 1 Mai 1594, Lyon, Benoist Rigaud
1595 – Discours de la vérité des causes et effets des décadences, mutations, changements, conversions et ruines des monarchies, empires, royaumes et républiques selon l’opinion et doctrine des anciens et modernes mathématiciens, mages, philosophes, historiens politiques & théologiens. astrologues. Epître au Roy, Ibid
Ch. V Scavoir si les sources et origines ensemble les décadences… proviennent des horoscopes des villes premières et principalement d’icelles
cH. VI Scavoir si les décadences, mutations… procèdent du cours et mouvement de l’eccentricité du petit cercle
Ch. VII Scavoir si les sources et origines des monarchies … procédant de la radiation des constellations, de la dernière estoille, de la Queue de la Grande Ourse du Pol arctrique ou septentrion
Ch. VIII Si les decadences, changemens, conversions et ruines des monarchies proviennent et proc‚dent des horoscopes des monarchies, empereurs, roys et chefs des republiques
Ch. IX Si les decadences, mutations, changemens, conversions et ruines des monarchies … dépendent des cours et mouvemens du huitieme ou neuvieme ciel, c’est-à-dire de la huitieme ou neuvieme sphere celeste …
Ch. X Scavoir si les religions, les sectes et les Loix … proviennent et procedent des cours et mouvemens des grands orbes celestes ou revolutions du planete Saturne ou bien des conjonctions des planetes hautes ou basses et interieures
Ch. XII Scavoir s’il n’y a eu et n’y aura jamais en ce monde que six religions comme aucuns astrologues l’ont osé écrire et assurent en leurs oeuvres
Ch. XIII Si les decadences, mutations, changemens, conversions & ruine des monarchies , empires, royaumes et républiques proviennent et procedent des Cométes etc …
1598 – Discours de la vérité des causes et effets des décadences, mutations, etc, Lyon, Héritiers Benoist Rigaud
Quant à la révolution française, elle avait été annoncée par Pierre d’Ailly, en 1414, sans qu’il ait eu besoin de recourir à Uranus, astre dont on ne soupçonnait pas alors l’existence. Tout au long du XVIe siècle, des dates censées correspondre à des mutations majeures furent avancées.
Par ailleurs, il ne nous semble pas que ce soit le rôle d’une planète de marquer le changement mais bien celui d’une phase, chaque passage d’une phase à l’autre pouvant générer quelque changement. De même, l’aspect de carré ne saurait impliquer davantage de changement qu’un autre, tout aspect étant voué à générer du changement puisque déterminant une nouvelle phase.
Ce qui est étonnant concernant l’intégration des nouvelles planètes tient au fait que chaque nouvel astre oblige les astrologues à leur trouver de la place dans le clavier planétaire en laissant entendre que cette place n’est pas redondante par rapport au dispositif antérieur. Vient compliquer le problème le fait que ces nouvelles planètes sont liées aux signes du zodiaque et donc ce faisant n’introduisent pas de donnée nouvelle. Dire qu’Uranus est la planète du Verseau, c’est affirmer que le verseau est porteur des valeurs uraniennes. C’était d’ailleurs la position d’un Jean Carteret dans les années cinquante qui pensait que les signes annonçaient les planètes comme dans un tableau de Mendeleïev. D’où l’attente de 12 planètes pour correspondre aux 12 signes, ce qui faisait que l’on attendait à son époque deux transplutoniennes. L’astrologie se trouvait ainsi en panne ne pouvant recourir à la totalité de son clavier mythologico-symbolique tant que les astronomes n’auraient découvert deux planètes au delà de Pluton, plus éloignées, plus lentes et plus invisibles encore. Mais par la suite, la question des nouvelles planètes a été détachée de l’étalon zodiacal, avec notamment la prise en compte des premiers astéroïdes dont le premier découvert en 1801, et qui avait été négligé par les astrologues pendant un siècle et demi, Claire Santagostini ayant contribué dans les années Soixante à la faire intégrer le thème . La planche à planètes a fonctionné à plein temps avec son lot de divinités empruntées, depuis quelques années, à toutes sortes de mythologies. Nous dirons que le processus d’intégration, à tous les niveaux, exige un travail, du temps et que l’on se fait de nos jours une idée toujours plus désinvolte et simpliste des conditions de l’intégration, qu’il s’agisse d’un savoir ou d’une population immigrée.
L’astrologie moderne, ce faisant, abandonnait la voie de l’analogie qui permettait de raccrocher autour d’un même concept diverses notions au profit de l’équation « un astre pour une notion », ce qui revenait à interdire à l’astrologie d’enrichir, de son propre chef, les définitions des astres déjà connus et d’attendre que de nouveaux astres soient découverts par les astronomes pour augmenter le clavier des significations. On pense à ces gens qui se croient obligés d’inventer ou d’emprunter un mot nouveau chaque fois qu’un nouvel objet, un nouveau sens sont constitués ou révélés, ce qui contribue à la pléthore du lexique. Une telle démultiplication, témoigne de la crise de la fonction analogique, un tel éparpillement, des concepts astrologiques de base, est le fait de l’invasion du champ proprement astrologico-cyclique par la symbolique zodiacale d’une part et par la symbolique astronomico- mythologique de l’autre. Il faut comprendre qu’il ne s’agit pas comme l’affirme un Patrice Guinard d’un ensemble d’un seul tenant qui serait inévitablement porteur d’ une logique interne sous jacente qui resterait à découvrir mais bien d’une compilation de divers documents que l’on a réunis, au sein d’un canon astrologique, et qui peuvent parfaitement être en redondance les uns par rapport aux autres. Parmi ces documents, il nous semble tout à fait légitime de séparer le bon grain de l’ivraie et de dégager un noyau dur. Le zodiaque et ses douze stations décrit ainsi un mode de vie saisonnier, un véritable art de vivre de l’humanité mais il pourrait se réduire à quatre voire à deux moments, le féminin et le masculin, le Yin et le Yang, la Lune et le Soleil.
Mais avant tout, l’astrologie moderne en arrivait à ne plus trouver d’intérêt à la lecture de manuels anciens ignorant ces nouveaux astres ainsi qu’à laisser entendre que l’astrologie antique manquait de certains outils. Querelle des Anciens et des Modernes.
Cet afflux d’astres conduit les astrologues à une surenchère: si on leur demande si tel événement s’explique par l’astrologie, la réponse n’est pas oui ou non mais il s’agit simplement de déterminer quelle est la configuration qui correspond. Au delà d’une certaine masse critique, l’astrologie peut prétendre à une forme d’omniprésence.
L’économie astrologique aura ainsi subi au cours de son Histoire une succession de « chocs » astronomiques – comme l’on parle de chocs pétroliers – à savoir avec Ptolémée (IIe siècle de notre ère) la théorie des doubles domiciles des planètes (exemple Mercure devenant maître des Gémeaux et de la Vierge), avec Albumasar (Xe siècle), la théorie des grandes conjonctions et du cycle de 960 ans réduit ensuite à 800 ans, se subdivisant en sous-cycles de 240 ans (réduits à 200 ans). et enfin à la fin du XVIIIe siècle, l’émergence des planètes transsaturniennes mais aussi de la théorie des ères précessionnelles qui aboutira au mythe de l’Ere du Verseau, dont Paul Lecour sera un des hérauts. Force est de constater que l’astrologie n’aura pas manqué de médecins à son chevet, sans oublier les purges et régimes préconisés par un Kepler au début du XVIIe siècle. et qui auront surtout abouti, toujours au nom de l’astronomie et de considérations numériques, à augmenter le nombre des aspects au delà de ceux qui étaient multiples de 30°; et développé la technique des transits planétaires . Chaque fois, reconnaissons-le, la proposition est alléchante, chaque fois elle consiste à raccorder astrologie et astronomie – et il convient de se méfier de ces astronomes-astrologues qui veulent avant tout ne pas se sentir écartelés – au prix de ce qu’il faut bien appeler d’ingénieux expédients.
La légende dorée de l’astrologie
Pour mettre mieux en perspective le schéma que nous venons de développer, on examinera ce que disent les astrologues sur l’Histoire de leur science, de son apparition, de son évolution. On rencontre d’entrée de jeu un paradoxe: la littérature astrologique est relativement récente – le Tetrabiblos n’a pas 2000 ans – mais l’origine de l’astrologie remonterait à la nuit des temps. Nous pensons, à l’inverse, que le Tetrabiblos correspond à un état tardif du savoir astrologique, déjà fort corrompu mais que l’astrologie est un phénomène qui survient bien après qu’une certaine humanité soit déjà apparue, non pas comme élément fondateur mais plutôt comme structure régulatrice d’un certain nombre de tensions entre des populations ayant entre elles des relations conflictuelles. Il y a là un obstacle épistémologique qui consiste à considérer que les traces les plus anciennes d’un savoir ou d’un récit ont valeur originelle et constituent des données exhaustives. L’historien se doit d’aller au delà de telles barrières; à partir d’un constat de syncrétisme, il peut restituer une certaine diversité des sources et tenter d’analyser comment certaines symbioses se sont mises en place. Dans le cas de la genèse du zodiaque, nous avons ainsi montré que celui-ci n’était pas un savoir à l’état premier et en quelque sorte universel mais qu’il était issu de diverses sources arbitrairement traitées par les hommes. Parler d’universel ou de matriciel à propos d’un document revient à refuser à l’historien de faire son travail d’investigation.
Un autre point qu’il nous semble utile de souligner concerne l’idée que les astrologues se font de l’origine non pas cette fois du phénomène astrologique mais de la science qui en rend compte et qui porte le nom d’astrologie. On notera à ce propos la confusion sémantique qui vient du fait que sous un tel vocable on entend indifféremment l’objet étudié, à savoir le phénomène du rapport des hommes aux astres et l’étude de l’objet, c’est à dire le discours décrivant celui-ci, comme c’est le cas pour le mot Psychologie.
Pour la plupart des astrologues, le stade de l’objet peut avoir été considérablement antérieur au stade de l’étude et encore cette étude n’est pas terminée puisque l’on découvre encore de nouveaux astres qui sont supposés signifier quelque chose pour l’astrologie. Pour nous, au contraire, le phénomène est le résultat d’un plan mis en place par les hommes si bien que les deux stades ne feraient qu’un.
Quand on demande à des astrologues comment cette étude s’est constituée, c’est à dire comment l’on est parvenu à déterminer la signification propre à chaque facteur – chaque signe, aspect, planète, maison etc – l’on entend répondre que les hommes sont parvenu progressivement à débrouiller l’écheveau des multiples significations entrelacées. En revanche, pour notre modèle, ils n’ont rien eu à décrypter puisque ce sont les hommes qui ont fixé les règles du jeu, les significations, la durée des phases.
Cela dit, quand bien même au départ, les hommes auraient déterminé les significations et les conventions, un tel ensemble s’il ne s’est pas perdu s’est peu à peu corrompu, mêlent à d’autres données plus ou moins pertinentes tant et si bien que l’astrologie comme étude décrivant un phénomène est bel et bien à restituer, à restaurer. Mais épistémologiquement, une chose est d’avoir à reconstituer un savoir perdu élaboré par les hommes, une autre de décrypter un phénomène naturel.
Paradoxalement, ceux qui tiennent pour un phénomène que les hommes seraient parvenu à analyser en chacune de ses composantes sont les partisans d’une astrologie fort complexe et donc dont les tenants et les aboutissants semblent à peu près impossibles à discerner alors que pour nous qui promouvons un modèle d’une grande simplicité, les chances de décryptage semblent nettement meilleures alors même que nous n’évoquons pas un tel procédé originel.
Le thème astral par sa complexité même rend extrêmement difficile d’envisager que l’on puisse y faire la part du rôle de chacun des facteurs en présence et d’en établir avec précision les impacts respectifs. Dans un fouillis aussi inextricable – on veut parler ici du thème natal – qui peut prétendre sérieusement y voir clair si ce n’est celui que cela arrange, pour quelque raison plus ou moins avouable ? En fait, quand l’astrologue prétend maîtriser son travail et suivre à la trace chaque élément de l’ensemble, il est aussi peu crédible qu’un marchand de fruits et légumes mal voyant auquel on peut voler une banane ou un poireau sans qu’il s’en rende compte et qui prétendrait néanmoins avoir l’oeil sur toute sa marchandise. Or, le client de l’astrologue n’en est-il pas au même point, lui à qui l’on demande ingénument s’il est comme ceci ou comme cela et qui n’en sait ma foi rien. Alliance de l’aveugle et du paralytique que celle du couple formé par l’astrologue et son client. Tout flatteur vivant aux dépends de celui qui l’écoute, l’astrologue aura vite fait de trouver chez son client une oreille complaisante et indulgente qui n’en sera pas à un mensonge par omission près, pour la bonne cause, si un petit coup de pouce peut rendre heureux le dit astrologue et si cela peut sauver l’astrologie de méchantes attaques visant à la briser. On peut ici parler de conspiration : si des milliers de gens maquillent un peu la vérité qui n’est finalement que leur vérité, dont ils ont bien le droit de disposer à leur guise – et dont ils peuvent, s’ils le veulent, faire le sacrifice au prix d’un zeste de mauvaise foi – est-ce que cela n’en vaut pas la peine ne serait-ce que pour humilier l’orgueil et le mépris masculins ?
Là où le bât blesse dans ces vérifications dont se targuent maints astrologues, ce n’est pas tant que ce qui est dit est faux mais que c’est surtout incomplet. L’astrologue aura parlé d’un événement mais pas d’un autre, d’un trait de caractère mais pas d’un autre. Or, tout événement peut survenir à toute personne et tout comportement peut concerner toute personne, un jour ou l’autre. C’est pourquoi rien n’est vraiment étranger au client de l’astrologue lequel joue sur du velours. Ce qui fait problème, ce n’est pas tel ou tel point mais ce qui caractérise véritablement une personne, une vie. Or, l’astrologue se contentera de ne rien dire de manifestement faux plutôt qu’il parviendra à cerner ce qui est spécifique à la personne. Il va procéder par petites touches dont aucune ne sera radicalement inconcevable pour son client mais est-ce que cela constituera pour autant un portrait ressemblant ? Or, il suffirait à l’astrologue de partir de cette simple donnée anthropologique sinon astrologique stricto sensu, à savoir qu’il a devant lui un homme ou une femme, pour toucher à la vérité profonde de son client, au lieu de tourner autour du pot….Ce n’est que dans un deuxième temps qu’il pourra affiner son trait et cerner le processus d’individuation propre à chaque client. C’est dire que l’astrologue met la charrue avant-dernier les bœufs.
Pour éviter tout malentendu, précisons que ce n’est pas parce que nous reconstituons tel dispositif astrologique que nous considérons qu’il est en quoi que ce soit pertinent au niveau d’une pratique astrologique. Ce n’est pas non plus parce que nous considérons que tel système est plus cohérent qu’un autre que nous le recommandons ipso facto, hors du champ historique stricto sensu.. Certains pourront certes s’amuser à se servir de certaines de nos reconstitutions en forme de puzzle, notamment au niveau du rapport planétes-saisons. Il est vrai que, tant qu’à faire, mieux vaut utiliser un savoir cohérent qu’un pacthwork indéfendable et il n’y a vraiment pas de raison que cela « marche » moins bien.
Le canon astrologique a absorbé progressivement diverses techniques qui, initialement, avaient vocation à fonctionner de façon autonome et qui ont fini par y être intégrées. C’est une des missions de l’historien de l’astrologie que de faire ressortir à quel point l’empire astrologique a procédé par annexions successives. On aura d’ailleurs remarqué que notre façon de parler de l’histoire de l’astrologie s’apparente très nettement à notre approche de l’Histoire des empires en général, qu’il s’agisse de territoires géographiques, linguistiques ou scientifiques (au sens large du terme), ce qui signifie que l’Astrologie passe alternativement par des phases d’élargissement et de rétrécissement (en kabbale, Tsimtsoum), que l’on peut assimiler respectivement à des phases solaire et lunaire. Une façon, au fond, de désenclaver ce domaine.
L’écueil de la surcontextualisation
Dès lors que l’on s’efforce de remonter dans le passé, l’on risque fort de poursuivre trop loin. L’étude des sources et des origines est souvent paradoxalement bien réductrice. Imaginons que je m’inspire d’un ouvrage pour rédiger tel chapitre. Quelqu’un reconnaît le dit ouvrage et va se mettre à affirmer que tout ce qui se trouve dans le dit ouvrage aidera à mieux comprendre ce que je fais, puisque… c’est une de mes sources. Transposons cela à l’Histoire de l’astrologie. Etant donné que l’astrologie fait appel à des données astronomiques, certains ont décidé que l’astronomie était la « source » de l’astrologie. Donc pour mieux connaître l’astrologie, il n’y aurait qu’à se reporter à l’astronomie et tant qu’à faire pourquoi pas l’astronomie actuelle même si ce n’est pas l’astronomie concernée. En effet, il n’est que de supposer que c’est l’intention qui comptait. En fait, nous explique-t-on, les astrologues d’antan voulaient se servir du système solaire et ils ont pris ce qu’ils en connaissaient. Maintenant que l’on sait mieux, il nous faut aller jusqu’au bout de leur projet et nous intéresser au système solaire tel que nous pouvons le décrire de nos jours, avec nos instruments. Ne s’agit-il pas là de surcontextualisation, la source venant carrément prendre possession du projet qui l’a impliqué ? Et s’il y a plusieurs sources, le même processus devrait donc être suivi chaque fois au nom d’une mise à jour. Il faudrait ainsi réécrire tous les ouvrages, dans tous les domaines, en rafraîchissant leurs sources voire réécrire l’Histoire. C’est ainsi que dans le cas de Christophe Colomb, il importerait moins de savoir ce qu’il a découvert que ce qu’il imaginait découvrir. C’est faire bien peu de cas de l’Histoire : trop d’histoire tue l’Histoire. Il y a des non-historienss qui sont plus historiens que les historiens et font dans la surenchère. Ah tu veux chercher des sources et bien allons-y !
En revanche, au sein d’un corpus bien défini, il nous semble tout à fait légitime de vouloir y mettre un peu d’ordre. Il ne s’agit plus là des sources mais de déterminer ce que le savoir en question avait élaboré et qui a pu être perturbé précisément par le retour aux sources. On pense notamment à l’intrusion de l’astronomie dans le développement de l’astrologie, à différents moments de son Histoire, depuis la prise en compte de la précession des équinoxes et la mise en place du système des domiciles tel qu’il figure chez l’astronome-astrologue Claude Ptolémée en passant par la théorie des grandes conjonctions d’Albumasar au Xe siècle de notre ère, par les simplifications de l’astronome astrologue Johannes Kepler jusqu’à l’intégration des planètes post-saturniennes, y compris les astéroïdes. L’astronomie, au nom de son statut de source de l’astrologie, n’aura pas cessé de perturber l’astrologie et elle continue à lui demander des comptes comme l’atteste le dernier Que sais-je sur l’astrologie, rédigé par des astronomes (2005)
Ainsi, l’on ne saurait nous accuser de surcontextualisation, lorsque nous essayons de restituer les conditions qui furent celles de l’astrologie, à un certain stade fondateur. Ce sont ceux qui veulent « moderniser » l’astrologie qui sont, eux, victimes d’un tel travers puisque leur argument est fondé sur l’idée de s’en tenir au seul projet et de le reprendre à leur compte, sans s’occuper de ce que ce qui a été entrepris entre temps et qui a laissé des marques indélébiles dans notre mémoire subconsciente.. Et peu importe que les données utilisés par ceux qui ont fondé l’astrologie antique aient été fausses ou incomplètes. L’on nous objectera que l’on ne saurait dès lors négliger ce que les astrologues ont fait de l’astrologie. On se heurte à ce moment là à un autre problème de source: l’astrologue n’aurait-il pas son mot à dire sur ce qu’est et doit être l’astrologie puisque c’est bien pour l’astrologue, n’est-il pas vrai, que s’est constituée celle-ci ?
Nous nous portons en faux contre une telle affirmation: :l’astrologie n’est pas faite pour les astrologues, elle est le fait de l’Humanité. Les astrologues sont arrivés plus tard. Là encore plusieurs histoires de l’astrologie se confrontent : l’une qui voudrait que les astrologues aient cherché à décrypter le cosmos et en aient tiré des enseignements toujours à actualiser puisqu’un tel décryptage ne cesse de se poursuivre et l’autre, celle que nous préconisons, qui soutient que certaines sociétés ont décidé de se réferer à un certain ciel utile de façon à mieux s’organiser et dans ce cas il importe peu que le ciel ainsi utilisé ne soit pas le nec plus ultra du savoir astronomique. Quant aux astrologues, ils sont arrivés, selon nous, après la bataille, quand le lien entre les hommes et les astres était déjà en place et leur travail était censé être de gérer un tel lien tel qu’il s’était établi, dans les faits, et non pas tel qu’il aurait pu ou du s’instituer. Mais comme ces astrologues étaient aussi peu ou prou des astronomes et cela restera vrai jusqu’au XVIIe siècle inclus, ils furent tentés de mettre en place une synthèse entre Astrologie et Astronomie. C’est contre cette synthèse toujours en cours – les échanges entre astrologues et astronomes, sous les formes les plus diverses, des astronomes vers les astrologues et/ou des astrologues vers les astronomes, n’ayant au fond jamais cessé – que nous nous dressons en demandant que tant les astronomes que les astrologues laissent la place aux anthropologues car, pour reprendre la formule de Kepler, entre ces deux corporations, il existe un Tertium Interveniens qui est concerné par la dimension juridique, politique, sociale du phénomène, ce sont les anthropologues.
.
.
DEUXIEME PARTIE
RADIOSCOPIE DE LA TRADITION ASTROLOGIQUE
Dans cette deuxiéme partie, nous mettrons en évidence les incohérences structurelles de la tradition astrologique.
Le propre d’une typologie est de dépendre de la qualité de ses définitions. Une médiocre typologie, peu pertinente, tendra à rechercher des combinatoires qui permettront de corriger le tir. Imaginons le cas d’une couleur de départ assez peu heureuse que l’on s’efforcerait de corriger en rajoutant une couche d’une autre couleur puis encore une autre parce que le mélange n’est pas encore trop convaincant et ainsi de suite. Au bout du compte, l’on risque fort de parvenir à quelque chose de ressemblant, mais à quel prix ? Inversement, une bonne typologie n’exigera pas toutes ces gesticulations et n’exigera pas toutes sortes de corrections. Les typologies zodiacales ou planétaires que véhiculent l’astrologie sont bien peu satisfaisantes mais à force, le portrait final peut être viable mais les dites typologies ne seront pas pour autant améliorées car il reviendra à l’astrologue de les « sauver » au coup par coup. Le client de l’astrologue risque de repartir avec une représentation de lui-même qui sonne juste mais qui ne figure dans aucun manuel d’astrologie et qui sera beaucoup moins personnelle qu’il ne l’imagine. Ainsi, le dit client aura-t-il eu l’impression d’avoir effectué un travail avec l’astrologue lequel, en réalité, ne fait que pallier les carences de son matériel, un peu comme un cuisinier qui disposerait de viandes avariées ou de second choix et qui ferait des miracles grâce à la sauce et à la cuisson ou un client qui se ferait coiffer par une apprentie qui n’y connaît rien et qui passerait une erreur à masquer ses erreurs et que l’on féliciterait pour son labeur. Tant qu’à faire, autant commencer avec de la bonne viande même si le cuisinier a moins de mérite à la rendre agréable au palais. Le thème astral nous fait songer une sorte de potage dans lequel on aurait mis tous les restes et que l’on aurait accommodé ingénieusement. Faute d’être justes les typologies astrologiques s’ajustent.
Il s’agit ici, soulignons-le, de reconstituer un système analogique au repos dont le cycle saisonnier est le fondement, étant entendu que les saisons sont inversées dans l’hémisphère sud, ce qui n’empêche pas les astrologues du dit hémisphère de s’aligner sur les représentations de l’hémisphère nord et étant entendu que les attributions par les astronomes des dieux aux planètes laissent fort à désirer, et ce tant dans l’Antiquité que de nos jours.. Une fois décrit le « systéme au repos » et seulement alors, la question de sa mise en oeuvre sur le plan astro-cyclique se posera (« système en activité »). Autrement dit, un système au repos qui ne donne pas satisfaction structurellement ne saurait passer au stade de l’application conjoncturelle. Il nous semble assez évident que le système au repos représente une totalité alors que le système en activité représente uniquement un moment du système au repos. En astrologie, il y a un déséquilibre entre ces deux systèmes, le système au repos débordant largement sur le système en activité et en fait l’on pourrait dire que les deux systèmes ne font plus qu’un, tant le thème astral nous apparaît comme une demi-mesure, le système en activité ne parvenant que péniblement à se sevrer, en quelque sorte, par rapport au système au repos. D’ailleurs, dans l’iconographie astrologique médiévale et de la Renaissance, nous trouvons des roues rassemblant, en plusieurs cercles concentriques, tout le savoir astrologique, lesquelles roues ne sont pas sans ressembler à un thème astral individuel.
Le Colloque des 7-9 octobre 2005 que nous avons organisé a confirmé l’existence d’un très fort consensus entre astrologues autour d’une doxa astrologique dominante.
C’est l’astrologie cyclique- au sens d’une astrologie poly planétaire – qui emporte tous les suffrages avec d’une part l’importance accordée au thème astral en général et au thème natal en particulier et d’autre part l’intégration de nouvelles planètes au sein de tous les dispositifs traditionnels.
Par ailleurs, on observe l’absence d’une perception dualiste de la société, toute division se situant, pour cette astrologie en vigueur au niveau individuel. Tout se passe donc comme si c’était l’individu qui changeait mais pas le monde ou que le monde ne changeait que du fait du changement individuel.
Or, si ces changements ne sont pas synchrones, si chaque individu évolue à son propre rythme, comment la société serait-elle animée par des cycles perceptibles puisqu’elle serait alors traversée par des micro-changements propres aux individus partant dans tous les sens ?
En ce sens, la dualité qui ressort serait ici celle de l’individu par rapport à la société, chaque entité correspondant à une astrologie différente, l’une thémique, l’autre mondiale.
L’interaction se jouerait ainsi : l’astrologie du collectif entraînerait les individus dans un seul et même mouvement en dépit des spécificités propres à chacun et l’astrologie individuelle quand elle concernerait des personnages remarquables – du type Napoléon ou Hitler – pèserait sur le plan collectif.
On ajoutera que cette astrologie en vigueur tend à situer l’origine des rapports Hommes-astres à l’aube de l’Humanité voire du vivant, en fait, cette Humanité aurait toujours baigné dans une sorte de bain cosmique et n’aurait eu – et ce serait là toute la portée de la constitution du savoir astrologique- qu’à décrypter et à explorer, progressivement, au fur et à mesure de son évolution, en quoi consistait précisément un tel environnement, ce travail se poursuivant jusqu’à nos jours. D’où la possibilité, chez certains chercheurs comme Suzel Fuzeau-Braesch, de décrire cette influence astrale chez les animaux non humains lesquels, eux aussi, auraient droit à des thèmes astraux.
On observera la présence constante d’un certain manichéisme dont l’astrologie moderne ne semble pas pouvoir se passer faute de quoi elle serait bien fade, ce qui fait que la dualité, bon gré mal gré, reste toujours bien présente. En tout état de cause, on ne saurait contester l’idée selon laquelle telle période serait plus favorable à tel groupe plutôt qu’à tel autre, sinon à quoi bon faire de la prévision ; encore faut-il déterminer quels sont les regroupements les plus pertinents concernés par un certain processus d’alternance.
On présentera dans un premier temps une galerie des principales catégories astrologiques dans leur présentation habituelle, une sorte de Dictionnaire des idées reçues à la Flaubert et il nous est venu à l’esprit de procéder de même en ce qui concerne l’astrologie, ce qui permet de faire bonne figure dans une réunion astrologique. On a parfois l’impression de jouer au rammy ou au poker : il faut trouver dans la « main » du client une configuration, une carte seule étant sans intérêt. Dans un deuxième temps, nous développerons une réflexion critique à propos de ces catégories, un peu à la façon d’Abraham Ibn Ezra exposant les règles de l’astrologie et les réexaminant dans un « livre des raisons » à l’origine mémoire de maîtrise (Université Paris III) dirigé par Georges Vajda qui en rédigera la préface..
Comment en est-on arrivé aux profils des signes zodiacaux ? Il faut savoir que le portrait de chaque signe zodiacal est lui-même composé de plusieurs paramètres qui sont au moins au nombre de six : il y a le nom du signe, l’élement, la planéte, la maison, la saison, le sexe. Selon nous, il faut procéder par approximations successives, c’est à dire partir du deux pour affiner progressivement en introduisant chaque fois une dualité supplémentaire. On ne peut partir du douze comme on le fait avec le zodiaque ni même d’un grand nombre de planètes mais bien de couples, de dualités. Entendons par là que, contrairement à ce que soutient un Patrice Guinard, notre intelligence fonctionne par oppositions, par antagonismes : on fait ceci ou on ne le fait pas. On choisit entre A et B. Puis l’on peut subdiviser au sein de A entre deux options et ainsi de suite. Et l’on notera que ce faisant l’on ne parvient jamais à douze car de 2 on passe à 4 et de 4 à 8 et de 8 à 16. Jean-Pierre Nicola n’a pas su parer à un tel obstacle et présente bel et bien – et Françoise Hardy à sa suite – un zodiaque à 12 entrées, ce qui a pour avantage de ne pas le couper complètement de l’astrologie populaire. Pour arriver à 12, il aurait fallu partir d’une structure ternaire. Or Nicola part d’une structure binaire et quaternaire puis parvient on ne sait trop comment à 12 signes et à 12 maisons, son but étant, il est vrai de fonder l’astrologie existante sur des bases plus solides et non de lui conférer une autre forme. C’est là précisément que l’on ne peut que constater qu’il y a eu syncrétisme entre la pensée astrologique et le calendrier. Nous pensons que l’astrologie n’est revenue que tardivement, lors d’une phase de décadence, au 12 après avoir constitué un système binaire puis quaternaire : plutôt qu’à partir du 12, l’astrologie se serait constituée à partir des 4 saisons et des 4 phases de la Lune. Les 12 lunes ou conjonctions soleil-lune structurant l’année étaient un fait bien connu et certainement observé de très longue date encore que totalement fortuit mais ce n’était pas encore de l’astrologie. A se vouloir « scientifiques », certains font régresser l’astrologie à un stade préastrologique, préinstrumental comme si l’on voulait réduire une statue au bloc de marbre dont elle était issue, sans prendre en compte l’apport de l’artiste. Si les sciences humaines sont dans l’arbitraire, les sciences dures font souvent leur beurre de structures parfaitement fortuites et qui si elles ont le mérite d’exister ne font pas pour autant sens, ainsi en est-il pour les 12 mois de l’année dont le nombre ne renvoie à aucune loi scientifique universelle. Si la nature peut ignorer l’apport créatif de l’Homme, l’Homme n’ignore pas la Nature mais il n’est pas non plus obligé de croire que tout ce qui est produit par la Nature fasse ipso facto sens pour lui, l’Humanité se réserve un droit de veto, de tri (en anglais, trial signifie jugement). Cela dit, il a du exister une forme d’astromancie qui fonctionnait dans un registre divinatoire. En ce sens, nous distinguerons une astrologie non divinatoire d’une astrologie divinatoire. Pour l’astrologie divinatoire, il s’agit de donner sens aux moindres signes qui se manifestent, donc pour l’astromancie, tout phénomène céleste est porteur de présage, travail très méticuleux et permettant d’élaborer un discours substantiel et copieux. Cette approche très fouillée et minutieuse du support divinatoire, on la retrouve. chez Alexandro Jodorowsky, dans son rapport au Tarot
Pour l’astrologie non divinatoire, en revanche, seuls certains phénomènes célestes sont significatifs et encore le sont-ils que selon un certain ordre fixé par l’Humanité et non en vue de savoir ce que les astres, c’est à dire les dieux – divination est à rapprocher de divinité et de l’acte de deviner- lui promettent ou lui réservent. Force est de constater que l’astrologie moderne est devenue très fortement divinatoire et d’ailleurs elle n’hésite pas à considérer la découverte de chaque nouvelle planète comme annonciatrice de nouveaux développements civilisationnels. Le mot même d’astrologie est souvent interprété littéralement à savoir un discours sur le ciel tel qu’il se présente, s’offre et s’impose à nous. L’astrologie n’est pas un commentaire sur l’astronomie mais un usage bien circonscrit et codifié de celle-ci… Le discours produit est sensiblement plus austère et dépouillé, certainement moins pittoresque et haut en couleur que celui de l’astromancie dont le propos se prête fort bien à l’astrologie par ordinateur laquelle ne peut s’ajuster sur une quelconque connaissance du client. S’il fallait comparer avec la condition des petits d’animaux à la naissance : l’astromancie est déjà tout équipée dès qu’elle sort de la bouche de l’astrologue alors que l’astrologie a besoin de s’imprégner de l’environnement, du conditionnement post natal pour s’épanouir pleinement. .
Nous ajouterons que selon nous il est quasiment impossible à notre intelligence de fonctionner sur une base 3 et ses dérivés. C’est ainsi que si je peux prévoir que l’échec de A conduira à la réussite de B, que dire s’il y a trois candidats ? C’est d’ailleurs pour cela que la constitution de la Ve République ne conserve que deux candidats au second tour des élections présidentielles et pourquoi il n’y a que deux grands partis aux Etats Unis, les Républicains et les Démocrates.
Le nom du signe est ce avec quoi le public est le plus familier alors que du point de vue du savoir astrologique, cela a été longtemps assez secondaire. L’on peut aborder le signe en tenant compte de son nom ou en s’appuyant sur un réseau de corrélations venant converger sur chaque signe de façon différente. C’est ainsi que la signification accordée aux signes se structure à partir de coordonnées, chaque signe étant membre d’une quadruplicité à savoir les 4 Eléments (feu, terre, air, eau), d’une triplicité, qui correspond au découpage de chacune des 4 saisons en trois (signes cardinaux, fixes, mutables) mais aussi étant lié à un découpage binaire : les signes impairs (1, 3, 5, 7, 9, 11) sont masculins, les signes pairs (2, 4, 6, 8, 10, 12) féminins.
A cela vient s’ajouter la mise en relation de chaque signe avec plusieurs planètes, au moins deux, par le dispositif dit des Dignités planétaires lequel a son envers (Débilités planétaires) : au domicile s’oppose l’exil, à l’exaltation, la chute si bien que pour chaque signe, il y a des planètes qui lui conviennent et auxquelles il convient et d’autres non. Tout cela va contribuer à modeler l’image que l’astrologue se fait de tel ou tel signe. Mais l’on perçoit assez vite que les quadruplicités ont bien du mal à correspondre avec les personnages zodiacaux : le verseau est classé parmi les signes d’air alors que son nom même comporte le mot eau, c’est le verseur d’eau, Aquarius. En fait, l’on observe une nette hétérogénéité des différents facteurs associés à un même signe, d’où la tendance à éliminer certains de ces facteurs pour préserver une meilleure cohérence au sein de chaque unité zodiacale. Cette hétérogénéité se retrouve évidemment au niveau du thème astral perçu comme totalité pertinente, réunissant l’ensemble de ces unités activées diversement selon le moment de la naissance.
Quant aux correspondances avec les dieux planétaires, on rappellera que le signe des gémeaux est souvent représenté iconographiquement par un couple et qu’à ce titre il semble mieux devoir aller avec Vénus qu’avec Mercure et d’ailleurs l’imagerie vénusienne fait apparaître un couple qui évoque irrésistiblement les gémeaux/jumeaux. Cependant, force est de constater que l’iconographie géminienne dominante évacue la dimension sexuelle du signe et de la période de l’année à laquelle il correspond. Il d’agit là vraisemblablement d’une interférence astronomico-mythologique : les Dioscures Castor et Pollux, qui ont laissé leur trace dans la constellation des Gémeaux . Tout se passe comme si les astrologues ne pouvaient s’écarter des attributions astronomiques tant en ce qui concerne les planétes que les signes et constellations.
Toujours à propos des signes dits « mercuriens », l’on pourrait de la même façon se demander si la Vierge, dans sa représentation habituelle, n’est pas également plus proche des valeurs vénusiennes que mercuriennes. On s’interrogera donc: pourquoi le signe a-t-il évolué d’un couple hétérosexuel vers un couple homosexuel, est-ce du à l’attribution de Mercure, le messager des dieux, à ce signe, personnage auquel on ne connaît pas de conjointe à la différence des autres dieux. Il semble que le couple mésopotamien Gilgamesh-Enkidu ( texte constitué au XVIIIe siècle av. JC) ait pu faire évoluer une allégorie initialement vénusienne (cf Jean-Daniel Forest, L’épopée de Gilgamesh et sa postérité, Paris- Méditerranée, 2002). Le système des domiciles aggrave la situation en plaçant non pas un mais deux signes sous sa domination : les Gémeaux mais aussi la Vierge, soit des signes liés à des déesses alors que Mercure est un dieu. Or si l’on se référe au poéme d’Hésiode (milieu du VIIIe siècle avant notre ère), les Travaux et les Jours, force est de constater que la procréation fait partie intégrante, au même titre que l’élevage ou l’agriculture des activités s’imposant aux hommes responsables qui ont le devoir de se perpétuer. En fait toute l’iconographie zodiacale et des Livres d’Heures n’est que l’illustration d’un bréviaire du savoir-vivre/faire rustique.
Enfin, chaque signe est associé à une maison ayant le même numéro d’ordre : le premier signe, le bélier, étant à rapprocher de la maison I, le deuxième signe, le taureau, étant à rapprocher de la maison II et ainsi de suite. Un tel rapprochement signes/maisons est au cœur de l’astrologie moderne en ce qu’il connecte la division du mouvement diurne des astre, toutes vitesses confondues, avec la division du cycle annuel en 12 mois, laquelle division sert également à baliser les différents cycles planétaires, faisant ainsi double emploi avec le système des aspects qui suffit largement pour ce faire. Le thème natal actuel intégré ces deux niveaux relevant, selon nous, de deux astrologies bien distinctes.
D’ailleurs, si la signification des signes est liée aux saisons, bonnes comme mauvaises, celle des maisons s’articule autour de l’horizon, lequel distingue le jour et la nuit. Pour nous les significations des 12 maisons constituent un zodiaque astrologique symboliquement plus authentique que le zodiaque des astronomes. Les attributions afférentes aux 12 maisons ne correspondent en effet pas à la progression du mouvement diurne mais bien celles des activités au cours de l’année, ce qui est le propre de la symbolique zodiacale d’origine. On notera qu’il existe bel et bien une iconographie des maisons – que l’on pourrait appeler domologique – bien qu’elle ne figure plus, sinon tout à fait exceptionnellement, dans les traités d’astrologie moderne. On conçoit que la mort (maison VIII), par exemple, ne s’inscrit pas dans une perspective quotidienne.
On a, en effet, parfois bien du mal à relier les signes du zodiaque aux saisons. C’est ainsi que les gémeaux n’ont apparemment pas de raison particulière de correspondre au printemps sauf à y voir un couple de jeunes gens, à la saison des amours, comme on le voit dans le manuscrit des Très Riches Heures du Duc de Berry. On ne comprend pas davantage ce que vient faire le signe du verseau en hiver si l’on ne replace pas la coupe ( la cup anglaise, une des quatre couleurs du tarot) du verseau dans le cadre des banquets qui se tiennent alors mais on est alors dans des nourritures bien terrestres fort éloignées de l’image éthérée et aérienne que les astrologues veulent donner du signe. Ce ne sont pas tant au demeurant des aliments « naturels » comme des fruits que l’on cueille aux arbres en Eté mais bien des provisions faites de salaisons, de confitures, de conserves qui sont stockées, engrangées, cuites. C’est l’hiver que l’Humanité affirme le mieux sa supériorité sur le règne animal. On ne s’étonnera donc pas de voir le verseau, signe représenté par un homme, Ganymède, au coeur de cette saison et la Vierge, donc la femme, correspondre à l’Eté, saison où elle ressent moins sa dépendance envers l’Homme, où la nature est généreuse, où il ne faut pas compter.. On a là le couple Pluton- Cérès. En ce qui concerne les quatre « couleurs » du Tarot – constituant les arcanes mineurs – à savoir coupe, épée, bâton et denier – en rapport, respectivement, avec celles de nos jeux de carte ordinaires cœur, pique, trèfle (en anglais, club, bâton), carreau (en anglais diamond), la coupe semble bien liée à la table aquarienne hivernale sur laquelle elle repose, le trèfle au paysage du printemps tel qu’il est représenté dans les Très Riches Heures du Duc de Berry, avec ses prés fleuris. Le denier – pièce circulaire – serait plutôt la roue comme on la trouve sur les scènes champêtres et estivales (chariot, charrue) et enfin l’épée ou la pique serait à rapprocher des scènes d’abattage du porc, à l’automne, au cours desquelles le sang est versé..
Les deux dialectiques Mars-Vénus et Pluton-Proserpine, qui sont les divinités qui font le plus sens pour la zodiacologie- dispositif par la suite envahi par l’ensemble des planètes du système solaire – nous semblent se manifester respectivement autour de la polarité du sang et de celle de la lumière. Le sang pour Vénus et Mars, le sang du cycle de la menstruation féminine, et le sang de la plaie ouverte, lors de la chasse, par une arme masculine, soit l’épanchement naturel et celui qui est provoqué : Printemps et Automne Le feu solaire, qui fait mûrir les plantes et permet la cueillette, pour Proserpine et le feu de la forge masculine, pour Pluton ; Eté et Hiver.. D’un côté, le sang et le feu appartenant au cycle féminin, matriarcal de la vie et du ciel et de l’autre le sang et le feu qui correspondent à nouvel âge masculin, patriarcal, constituant un autre stade d’évolution du monde… Rappelons que Vulcain, personnage qui nous semble proche de Pluton – lequel fut l’époux de Proserpine- était promis à Vénus qui lui préféra Mars, l’autre divinité masculine du quatuor.
Le Kalendrier des Bergers comporte une description des vices et des vertus qui figure peu ou prou dans le Tarot, mais aussi dans le zodiaque avec la Force (à rapprocher du latin Fortitudo, le courage, traditionnellement représenté par un homme s’opposant à un Lion, qui figure également dans le zodiaque), la Tempérance, la Justice (avec sa balance, que l’on retrouve dans le zodiaque) mais on retrouve ces vertus illustrées dans un ouvrage comme les Hieroglyphica d’Horus Apollo. Or, la Force dans l’arcane XI du Tarot est représentée avec un lion ; elle pourrait être à l’origine du signe du Lion. Le Zodiaque serait un mélange d’images empruntées de façon assez aléatoire à une sorte d’encyclopédie.
Ainsi, la description que l’astrologie donne de la typologie zodiacale est-elle rien moins que fondée sur le seul nom du signe mais est l’aboutissement d’un ensemble de facteurs, ce qui pourrait expliquer les incohérences psychologiques de certains portraits, étant donné que les divers critères ainsi combinés constituent un ensemble assez disparate. Bien entendu, cette disparité n’est rien par rapport à celle du théme natal pris dans son ensemble, le théme étant censé décrire une personnalité. L’idée que l’astrologie se fait de notre humanité au travers du théme natal complet (et non réduit au schéma des statistiques Coquelin) est des plus baroques.
Un autre cas assez remarquable est celui de la typologie planétaire moins accessible en ce qu’elle exige a priori de recourir à des éphémérides et non à un simple almanach. Tout comme le signe peu ou prou associé à un certain bestiaire sinon à une sorte de zoo, la planéte porte un nom qui parfois semble suffire à en cerner la signification. Ce nom renvoie à la mythologie gréco-latine, considérée comme un ensemble cohérent mais qui peut fort bien comporter une dimension syncrétique, du fait de l’intégration de différents cultes au sein d’un seul et même panthéon, dont le nom même signifie bien un rassemblement de dieux. A partir du moment où les astronomes recourent à d’autres mythologies pour désigner de nouveaux astres, il semblerait que les astrologues puissent ne pas respecter ces appellations et en proposer d’autres, qui leur sembleraient plus conformes mais tout se passe comme si cela leur était impossible, au nom d’on ne sait quel contrat ou arrangement passé avec les astronomes.
Selon nos recherches sur la genèse du zodiaque, quatre dieux s’imposaient dans le cycle saisonnier : Vénus et Mars, Pluton et Proserpine/Cérés – ce qui ne signifie pas que l’on sache exactement à quels astres on les faisait correspondre ni que l’on tenait compte du mouvement de ces astres pour en tirer quelque information que ce soit. Mais si ces dieux devaient être associés pour quelque raison des astres, il est évident que l’on ne pouvait choisir que des astres visibles et repérables, ce qui n’est, à notre connaissance, le cas ni de l’astre actuellement dénommé Cérés ni de celui dénommé Pluton alors que cela convient pour Mars et Vénus. L’on peut d’ailleurs se demander si le couple Pluton-Proserpine ne serait pas tout simplement à rapprocher de Soleil-Lune, qui ne cessent de se rapprocher (nouvelle lune) et de se séparer (pleine lune) Mais dans ce cas, Pluton correspondrait à la Lune, à la nuit et à l’hiver et Proserpine au Soleil, au jour et à l’Eté, le soleil revêtant une dimension féminine – d’ailleurs le signe de la Vierge, signe estival, est pleinement féminin ; on sait que dans certaines traditions le soleil est féminin en allemand, c’est die Sonne, die étant le marqueur du féminin et la Lune, c’est der Mond, avec un marqueur masculin. On n’oublie évidemment pas qu’il fait jour également l’hiver et nui également l’Eté….. L’homme nous apparaît en effet comme lunaire, il est Prométhée, celui qui vole le feu du soleil, la Lune ne tenant sa lumière que du soleil. Mais le monde lunaire est un nouveau stade par rapport au monde solaire, rien n’est plus facile à saisir que l’influence du soleil, celle de la lune est déjà bien plus subtile..La lumière solaire ne désigne pas de point particulier du ciel tant elle déborde l’aire solaire proprement dite alors que la lumière lunaire focalise l’attention sur le seul point du ciel où la Lune réside en un moment donné, tel un index. D’où l’adage : regarder la Lune que le doigt désigne et non le doigt. Le soleil est partout, la lune est quelque part. La Lune est à l’échelle humaine, l’homme y a même posé le pied en 1969. Le feu est le complément de la Lune puisque la Lune ne chauffe pas la terre, ne forge pas les métaux. La Lune est une veilleuse et l’homme, à son image, un veilleur au milieu des ténébres.
Le calendrier est avant tout lunaire – il l’est resté chez les Musulmans- puisqu’il structure la course annuelle du soleil au regard de sa rencontre avec l’astre des nuits lui imposant en quelque sorte une nouvelle cyclicité. La notion même de mois, de signe est lunaire, surimposant son cycle à celui du soleil qui lui est évidemment antérieur comme l’est la lumière de l’astre des jours. En ce sens, la femme correspond à un état plus primitif que l’homme, d’où son affinité avec la nature à son zénith alors que l’homme correspond à la nature en son nadir.
On nous objectera que les femmes sont marquées par la Lune au niveau de leur cycle mais il s’agit là d’une autre grille qui n’a pas à interférer ici et qui appartient à une ère beaucoup plus ancienne. On ne répétera jamais assez, au cours du présent ouvrage, que toutes sortes de rapports entre les hommes et les astres ont été établis au cours des millénaires et qu’il importe de ne pas tout mélanger sous prétexte qu’il est question d’un même référentiel. Il est moult façons d’assaisonner le cosmos.
La tradition astrologique en adoptant la Lune pour le féminin et le Soleil pour le masculin est dans l’erreur. De la même façon que le domicile de la Lune ne saurait être le cancer signe d’Eté. D’ailleurs, le fait même de placer soleil et lune côte à côte dans le zodiaque est une aberration : quelle est cette dialectique soleil lune qui ne passe par une inversion des valeurs alors que c’est bien le cas pour Mars et Vénus dont les domiciles sont opposés ? Il semble que l’on ait mal saisi l’application de la série : ce n’est pas Lune-Soleil-Mercure-Vénus-Mars-Jupiter-Saturne puis, en remontant, Saturne-Jupiter-Mars et ainsi de suite mais Soleil-Mercure-Vénus-Mars-Jupiter-Saturne-Lune. puis, en remontant, Lune-Saturne-Jupiter etc. La lune a en effet sa place à l’opposé du soleil et de son escorte (Mercure et Vénus) aux côtés de Saturne, c’est à dire en Verseau, face au signe du Lion, qui est le domicile du Soleil, le cancer étant un second domicile de ce dernier..
Il a fallu beaucoup d’ingéniosité à l’exégèse astrologique pour masquer une telle incongruité que la non opposition soleil -lune au niveau des Dignités planétaires. On notera la même bizarrerie avec l’ordre des jours de la semaine avec la présente côté du soleil (dimanche) et de la lune (lundi). Si l’on inverse le soleil et Saturne, dans cette série, on a Saturne- Lune-Mars-Mercure-Jupiter-Vénus-Soleil. , soit un premier groupe d’astres masculins et un second d’astres féminins, avec Mercure, à l’articulation entre les deux et qui est réputé neutre. Notre samedi devrait s’appeler jour du soleil (Sunday) et le dimanche, premier jour de la semaine dans le calendrier hébraïque, jour de Saturne (Saturday)
La Lune en ne captant qu’une partie du rayonnement solaire nous apparaît comme l’expression même du monothéisme, c’est à dire d’une focalisation, d’une instrumentalisation d’une partie limitée de l’objet de référence alors même que le Soleil a une dimension universelle, totalisante. La Lune ne récupère qu’une toute petite partie du rayonnement solaire, elle focalise, d’ailleurs le feu est un phénomène fondamentalement lunaire, on capte la lumière du soleil avec une loupe. La lune correspond à un maximum de concentration – ce qui donne le feu nucléaire – alors que le soleil correspond à un maximum d’expansion ; Le monde lunaire est généreux, tout y est donné alors que le monde solaire est besogneux, minutieux, et parcimonieux, ce qui correspond à ce sablier, ce rationnement et le contrôle, la maîtrise du temps qui caractérisent l’astrologie face à l’astronomie ouverte vers l’infini.. En ce sens, selon la typologie astrologique, le soleil serait jupitérien et la lune. saturnienne. Or, le b a ba de l’astrologie actuelle veut que la Lune soit l’inverse de Saturne et soit assez proche de Jupiter. Or, la lune, l’astre des nuits, témoigne de cette concentration lumineuse, ponctuelle et peu rayonnante. En fait, cela tient au fait que la Lune ait été associée dans le Tétrabible au cancer et Saturne au signe opposé du capricorne mais le vice de ce dispositif est bien d’avoir placé les deux luminaires cote à cote faisant face l’un et l’autre à Saturne (en capricorne et verseau). En réalité, astronomiquement, la Lune n’est pas liée au soleil comme le sont Mercure et Vénus, dont l’élongation maximale est respectivement de 28° et de 48°, lesquels astres constituent son « escorte ». La Lune peut parfaitement être, tout comme Saturne, diamétralement opposée au soleil, à la différence de Vénus. D’un autre côté, les astrologues en associant la Lune avec la maison IV (la maison), introduisent une dimension de cloisonnement. Il apparaît donc que l’astro-psychologie moderne tient un discours particulièrement confus sur la Lune, qui a au moins l’avantage de convenir à tout le monde, puisque l’on y trouve tout et son contraire. Or, il s’agit de restaurer une anthropologie cosmique cohérente.
Sur un plan symbolique, l’homme serait donc, selon nous, lunaire, c’est à dire en opposition avec les valeurs solaires. C’est lorsque le soleil faiblit que la société a le plus besoin de s’organiser pour survivre, c’est quand le temps est médiocre et que l’on est en périodes de vaches maigres que l’Etat se renforce (cf le Songe de Pharaon) parce qu’il a su se limiter et stocker en périodes de vaches grasses. Quelque part, le Paradis Terrestre est solaire et quitter celui-ci c’est basculer vers le monde solaire – l’Enfer- passant du grand au petit luminaire. , de la corne d’abondance à la sueur du travail. Quand tout va bien, qu’il n’y a plus d’enjeu majeur, l’homme tombe sous le joug de la femme, d’où les guerres, les conflits, qui lui permettent d’asseoir, à nouveau, son autorité.
. Notons qu’en 1589 parurent à la suite des XXI Epîtres d’Ovide une Imitation d’Homère &, ce d’Ovide, Les Amours de Mars & Venus & de Pluton vers Proserpine, Paris, H. de Marnef, 1580. Le second couple n’a pas été repris lors du baptême subséquent des planètes et ce n’est qu’à partir du XIXe siècle que Cérès (1801) puis, au siècle suivant, Pluton (1930) donneront leurs noms à des astres du systéme solaire. S’il nous semble somme toute assez normal que Pluton soit placé aux confins du dit systéme, comme le fut jusqu’en 1781 Saturne et si le feu plutonien est bien différent de celui du soleil et se présente en fait comme un anti-soleil- en revanche, le fait d’avoir attribué Cérés à un astéroIde minuscule et dès lors invisible à l’oeil nu, en dépit du fait qu’il se situe entre deux planétes qui sont, elles, visibles, Mars et Jupîter semble assez malheureux. Il eût été souhaitable, en fait, d’appeler Cérés un astre beaucoup plus proche du soleil comme Mercure, planéte d’ailleurs associée, dans la traditon astrologique – tant en exaltation qu’en domicile – avec le signe estival de la Vierge.
. La présence du dieu Mercure- Hermès a été une source de confusion, à commencer, dans le Tétrabible, attribué à l’astronome Claude Ptolémée d’Alexandrie (IIe siècle de notre ère) par sa domination sur les Gémeaux vénusiens et la Vierge cérésienne. Cette oeuvre ptoléméenne ne saurait faire référence, elle correspond à la mise en place d’un schéma purement astronomique avec le dispositif des domiciles et l’évacuation de celui des exaltations qui en est absent et qui n’avait pas de fondement astronomique mais déjà les exaltations étaient l’expression d’un polyplanétarisme excluant Pluton et Cérès comme régents de planètes. Or, qui n’était pas régent de planète allait ipso facto ne pas pouvoir être régent de signe/constellation, on entrait dans un cercle vicieux. Bien plus, le système des domiciles exclue par définition la symbolique zodiacale au lieu, comme d’aucuns croient, de venir la préciser. A partir du moment où l’on dispose deux séries planétaires jumelles, cela signifie que l’on introduit une dualité là où il y avait unité, substituant ainsi une logique à une autre. On se retrouve ainsi avec deux Mercure, l’un lié au signe des Gémeaux et l’autre au signe de la Vierge, ce qui contribue à brouiller l’image de Mercure si l’on cherche à tout prix à la zodiacaliser. Idem pour Vénus qui régit à la fois le taureau et la balance – dans l’attente, tout comme Mercure – d’une planète transplutonienne qui la déchargera de ce double fardeau. Il est vrai qu’avec des définitions aussi ondoyantes des planètes -dès lors que la planète est autant défini par ses signes que le signe par ses planètes – l’astrologue se préserve une certaine liberté d’interprétation .
Il en est de même pour les Quatre Eléments, organisés en triplicités (triangles), qui sont en concurrence avec le Zodiaque et avec les Saisons et non en complément. Chacun de ces dispositifs a son intérêt à condition de ne pas tenter de les combiner en un seul et même système. Exit donc le style Bélier, signe de feu, dominé par Mars et ainsi de suite.
Il aura, donc, fallu atteindre le XIXe siècle pour que certains noms de dieux (ré)apparussent dans le ciel, à l’initiative d’ailleurs non pas des astrologues mais des astronomes. Mais même une fois ces divinités réapparues dans le système solaire, il ne vint à l’idée d’aucun astrologue, à notre connaissance, de les préférer à Mercure ou à Jupiter dont la présence, selon nous, est probablement due à l’influence de l’astronomie babylonienne, laquelle attachait beaucoup d’importance à Mardouk dont l’équivalent était réputé être Zeus-Jupiter. On a là à nouveau un exemple de syncrétisme, que l’on peut observer pour le zodiaque avec l’interférence du tétramorphe avec la symbolique mensuelle – dans la dénomination même des planètes : en revanche, le couple Mars -Vénus put s’affirmer. Le fait que le couple se soit transformé en jumeaux vient très certainement d’un rapprochement avec les personnages de Castor et Pollux. On en arrive ainsi à une série de signes qui ne correspondent à aucune cyclicité cohérente, en fait, la symbolique zodiacale, tout en continuant à se référer au point vernal, ne figure plus que par bribes et ne constitue plus un système chrono- anthropologiquement pertinent et cohérent. Du moment que l’on avait, au bout du compte, des dieux et des animaux, la jonction entre les deux traditions pouvait néanmoins s’envisager. Ce n’est pourtant, faute de la part des astrologues de ne pas s’être intéressés aux couples de planètes ni à la mythologie. André Barbault, dans les années cinquante, publiera aux éditions du CIA trois volumes : Soleil-Lune, Jupiter-Saturne et avec Jean Carteret Analogies de la dialectique Uranus-Neptune- ouvrages réédités aux Editions Traditionnelles – sans apparemment percevoir le manque du couple Pluton-Proserpine alors même que Cérés était traditionnellement associée à la Vierge. Ce couple incarnant par excellence la dualité des bonnes et des mauvaises saisons ne figurera donc pas dans l’arsenal de l’astrologie de la seconde moitié du XXe siècle et cela parce que les astrologues ne se seraient pas permis de rebaptiser certaines planétes alors même qu’eux seuls attachaient de l’importance aux noms qui leur étaient assignés. On soulignera le fait que l’argument de la précession des équinoxes est souvent mal compris par les astrologues ; il s’agit là de montrer à quel point les astrologues son tributaires d’appellations astronomiques plus ou moins fantaisistes et décalées, qui plus est, par rapport à un prétendu substrat saisonnier. Autrement dit, l’astrologie aurait peut-être été prise davantage au sérieux si elle avait proposé un nouveau zodiaque, à sa façon, n’étant pas soumis aux aléas d’une autre science qui n’avait cure de ses intérêts et de ses enjeux.
C’est ainsi qu’André Barbault affirmait que Pluton était l’octave supérieur de Mars comme Neptune de Vénus, sans trop se demander si au couple Mars-Vénus correspondait un couple Pluton-Neptune alors même qu’il souscrivait par ailleurs, dans un ouvrage avec Jean Carteret, au couple Uranus-Neptune. En tout état de cause, placer Pluton en domicile dans le Scorpion, domicile de Mars, comme l’ont fait les astrologues d’après sa découverte en 1930 était une aberration car Pluton et Mars ne correspondent pas à la même saison. Si l’on avait baptisé la planète découverte par Le Verrier du nom de Pluton, on l’aurait probablement placée en poissons , signe hivernal, tout comme l’on aurait probablement appelée la planète découverte par Clyde Tombaugh en 1930 du nom de Proserpine, la plaçant en face des poissons en vierge, ce qui aurait évité aux astrologues de l’attendre encore. Car placer Pluton comme maître d’un signe impliquait ipso facto que l’on plaçât Proserpine dans le signe d’en face. Mais il ne vint à l’esprit d’aucun astrologue de débaptiser telle planète – Jupiter par exemple pour lui conférer le nom de Proserpine voire de Cérès attribuée à un malheureux astéroïde. .On voit à quel point l’alliance de l’astrologie avec l’astronomie moderne tournait au cauchemar, l’astrologie, pieds et poings liés, s’étant déclarée engagée par les avancées et les dénominations astronomiques.. On sait que les promesses n’obligent que ceux qui les font.
En fait, il nous semble bien déceler une interférence neptunienne – dans le quartier des trois signes hivernaux : les poissons, le verseau, donc celui qui verse de l’eau et jusqu’au capricorne représenté dans le zodiaque de l’Inde par un crocodile et en Occident par une chévre à queue de siréne. Manilius, d’ailleurs, dans son Astronomicon, attribue le signe des Poissons à nul autre dieu que Neptune tout comme il attribue la Vierge à Cérès, Vénus au Taureau et Mars au Scorpion, omettant Pluton dans la série des 12 dieux correspondant aux 12 signes. De fait le poéme du VIIIe siècle avant notre ère, les Travaux et les Jours d’Hésiode font référence à la navigation parmi les activités recensées chez un peuple visiblement proche de la mer. Pour quelque raison, tout se passe comme si Neptune avait remplacé Pluton, l’eau le feu, mais l’iconographie des mois a maintenu bel et bien la dimension ignée de l’hiver, d’où un décrochage par rapport à la symbolique zodiacale. Etrangement, lorsque l’on découvrit de nouvelles planètes, la première planète au delà d’Uranus fut appelée Neptune (1846) et la deuxième Pluton (1930), encore que ce nom de Pluton ait désigné depuis des décennies la transneptunienne à découvrir.(cf le Manuel d’astrologie sphérique et judiciaire de Fomalhaut, Paris, 1897). Bien entendu, les astrologues anglais du XIXe siècle se hâtèrent d’attribuer la nouvelle planète Neptune – ainsi désignée par les astronomes – au signe des Poissons., solution que les astrologues français adoptèrent subséquemment… (cf nos deux volumes de La Vie Astrologique, Paris, La grande conjonction-Trédaniel, 1992 et 1995). Il conviendrait de déneptuniser le zodiaque des mois d’hiver en leur restituant une dimension plutonienne mais aussi en attribuant le nom de Pluton à la Lune qui retrouve tous les mois le Soleil, lors de la nouvelle Lune alors même que Cérés correspondrait au soleil, le nom de Cérès ayant été attribué,- faute de mieux, pourrait-on dire- au premier astéroïde découvert, le Ier janvier 1801, soit le premier jour du XIXe siècle, par un astronome sicilien, Giuseppe Piazzi, Cérès étant la patronne de son île, la ceinture d’astéroïdes se situant entre Mars et Jupiter et ayant sa place prévue , dès 1772, dans la loi de Titius-Bode. Il est intéressant de noter que les astronomes ont ainsi donné une leçon de symbolisme aux astrologues en réintroduisant dans le ciel, certes à leur façon, les noms de deux dieux majeurs que sont Pluton et Cérès et dont les astrologues s’étaient passé depuis des millénaires.
Il nous semble heureux de rapprocher ce quatuor de dieux (Mars, Vénus, Pluton, Proserpine) d’un autre quatuor bien connu dans l’astrologie, à savoir celui qui oppose les deux astres bénéfiques aux deux astres maléfiques, Vénus étant le petit bénéfique et Jupiter le grand bénéfique, Mars le petit maléfique et Saturne le grand maléfique. On voit que deux dieux sont communs à ces deux séries. Il nous semble logique que les planètes « maléfiques » soient liées aux saisons difficiles, l’automne et l’hiver et les bénéfiques aux saisons lumineuses, le printemps et l’Eté. Or, dans le systémique tel que nous l’avons reconstitué, Mars et Pluton correspondent aux « mauvaises » saisons tandis que Vénus et Proserpine aux « belles » saisons. Dès lors, n’est-on pas en droit de conclure que Saturne- souvent représenté par la faux de la mort, a pris la place de Pluton et Jupiter, le maître de l’Olympe en analogie avec le Soleil, l’astre le plus lumineux, celle de l’estivale Proserpine/Cérés? Nous pensons plutôt que Pluton est à associer avec la Lune et Cérès avec le Soleil, qui ne sont pas des planètes stricto sensu. L’on peut certes associer Saturne avec la Lune, d’autant que leur vitesse de révolution correspond aux mêmes chiffres : 28 jours/28 ans donc 7 jours/7 ans. De même, le soleil peut être associé à Jupiter-Zeus, maître de l’Olympe, dont le cycle est déterminant en astrologie chinoise. L’aspect numérique n’est pas indifférent et a pu jouer un rôle dans certains choix subjectifs : même notre découpage de la journée en 24 heures n’est pas si éloigné du compte, d’où une sorte de triptyque : le jour de 24h, le cycle de Saturne de 28 ans, le mois lunaire de 28 jours . Si l’on divise par 4, on a des unités qui tournent entre 6 et 7 et qui nous semblent les plus conformes au rythme de vie des hommes : 6 heures, 6 jours, 6 ans que l’on peut encore diviser en deux.
Le lien entre astres et saisons est essentiel – tout comme les dieux prennent sens dans le cadre de la vie quotidienne et cyclique – et l’on voit à quel point l’astrologie a dévié avec le dispositif figurant dans le Tétrabible qui place Jupiter en sagittaire, signe d’automne alors que l’ancien dispositif des exaltations, dont le Tétrabible ne dit mot, et qui est notamment attesté chez Pline, place Jupiter au cancer, signe d’Eté et Saturne en balance, signe d’automne. Mars est exalté en capricorne, signe d’hiver. Une anomalie, Vénus exaltée en Poissons, signe d’hiver alors que cet astre est en rapport avec les « belles » saisons: Il semble qu’il ait été refoulé des signes printaniers qui jouxtent le signe des Poissons par un autre dispositif qui s’est surimposé ou au contraire qui n’a pu être évacué à savoir l’attribution des deux premiers signes de printemps (bélier et taureau) aux luminaires . En effet, le fait d’associer les deux luminaires dans deux signes conjoints a une autre signification qui n’est pas liée aux saisons mais plus largement à une symbolique de réunion des contraires… On observera que nous obtenons ainsi un lien entre chacune des quatre planètes et le début d’une saison : Mars correspond au solstice d’hiver Saturne à l’équinoxe d’automne, Jupiter au solstice d’Eté et Vénus, donc, à l’équinoxe de printemps, en bélier (et non pas en Poissons) Cette opposition Saturne-Jupiter a laissé des traces dans les glyphes inversés de ces deux astres
Il convient toutefois de ne pas tomber dans le piége d’un syncrétisme chronologique : dans la production du XVIe siècle, ce ne sont pas moins de trois systémes qui cohabitent dans la production astrologique mensuelle d’un Nostradamus, dans les années 1550! On a les pronostications qui sont calculées à partir des équinoxes et des solstices et qui ne comportent donc que quatre divisions pour toute l’année; c’est sur cette base que l’on découpe le zodiaque en douze « mois » qui n’ont rien à voir avec les mois de l’almanach; on a les prédictions ou présages qui sont calculés à partir des rencontres soleil -lune, qui se produisent mensuellement et en fait sur une base hebdomadaire, soit 48 thémes à dresser et à interpréter annuellement et enfin on a les mois du calendrier qui ne correspondent nullement aux deux précédents découpages. En fait, ce sont plusieurs définitions du mois qui cohabitent au sein d’un même almanach: le quatrain de janvier, par exemple, ne recoupe pas exactement la prédiction de janvier, calculée par rapport aux écarts soleil-lune et ainsi de suite. Au regard de ces divisions est en place une iconographie elle-même composite et l’on ne sera donc pas surpris d’avoir à constater que celle-ci rassemble des documents de sources différentes: le Lion, par exemple, a du symboliser – à une certaine époque – le solstice d’Eté et n’a rien à voir avec les activités mensuelles de la vie agricole et domestique. Il apparait également que l’on aura fini par associer les acfivités mensuelles, correspondant à une base 12 (rencontres soleil-lune) avec le zodiaque, quant à lui calculé, sur une base 4, par rapport aux équinoxes et aux solstices et n’ayant en soi aucunement besoin d’une division en 12.
ll ne s’agit pas ici de réinventer l’astrologie, comme le propose un Jean-Pierre Nicola, mais de reconstituer une tradition qui vaut ce qu’elle vaut mais qui a des chances d’être mieux enracinée dans l’inconscient collectif que ses dérives et corruptions tardives, quels que soient les efforts des exégètes à démontrer que le résultat actuel est tout à fait satisfaisant. Peu importe qu’il le soit ou qu’il ne le soit pas, ce qui nous importe, c’est qu’il est complètement décalé avec les anciennes représentations et donc anachronique. Certes, l’on pourra nous signaler qu’il y a danger, comme le fait remarquer Milo Baya à surcontextualiser le savoir astrologique, en l’orientant vers une sorte d’involution, voire de régression. Il vaudrait mieux parler de révolution ; c’est à dire de resourcement, ce qui n’a rien à voir avec la table rase de ceux qui veulent fonder l’astrologie sur l’astronomie contemporaine et qui sont bel et bien, eux, dans la surcontextualisation puisque cette astronomie contemporaine nous raméne à un stade antérieur au regard de l’Homme sur le monde et où la notion de visibilité ne faisait pas encore sens.
Les maisons astrologiques ne faisaient pas partie initialement du thème natal sous la forme que nous leur connaissons. Dans le Tétrabible l’on trouve d’autres appellations qui ne correspondent pas. à ce qui figure dans les manuels d’astrologie moderne. Les maisons astrologiques ont une vocation prédictive et cyclologique évidente et se divisent en fait en deux groupes qui alternent : les maisons qui correspondent à la vie quotidienne, à la famille, à la domesticité et que nous qualifierons d’inférieures ou de féminines (maisons I à VI) et les maisons qui impliquent des enjeux collectifs, avec un champ de conscience plus large, et que nous qualifierons de supérieures ou de masculines. (maisons VII à XII). Nous proposerons, à titre indicatif, la présentation suivante, sur la base des critères avancés :
Groupe hivernal, impliquant une vie confinée, une famille dominée par un seul maître, une seule loi, celle du pater familias, chaque cellule se repliant sur elle-même, comme cette crèche de Noël, au début de l’hiver (25 décembre) où l’on voit se côtoyant, dans une sorte d’étable, le nouveau né, (l’enfant Jésus), le foyer, ses parents, les serviteurs, les animaux domestiques (maisons I à VI mais qui en fait devraient être les maisons VII à XII correspondant à l’automne et à l’hiver si on les met en analogie avec les signes zodiacaux – du scorpion aux poissons). .
Groupe estival, impliquant un mouvement vers l’extérieur, un déracinement, un départ, une transhumance, un mariage; maisons VII à IX mais qui en fait devraient être les maisons I à VI correspondant au printemps et à l’Eté – du bélier à la vierge). Ce sont des maisons astrologiques pour lesquelles la Nature généreuse rassemble sous son aile ce qui est dispersé et où chacun se comporte à sa guise, fait l’école buissonnière, va dormir, comme les clochards, les SDF (sans domicile fixe) sous les ponts, sans organisation autre que celle qui est liée aux exigences les plus primaires, qui valent pour tous et apportent une touche d’universalité où les cultures ne sont plus que des épiphénomènes jugés parfois encombrants…
Le fait que l’astrologie associe le cancer au féminin, du fait de son lien avec la Lune, nous apparaît comme un grave contresens anthropologique. D’une part, parce que durant l’Eté, les gens ne s’enferment pas chez eux, ce qui fait que la maison est moins importante – d’ailleurs encore de nos jours c’est le moment où l’on part de chez soi pour aller habiter ailleurs – et d’autre part parce que le cadre familial est pesant pour la femme, c’est là que le joug est le plus lourd, qu’elle est la plus dominée et assimilée au monde domestique en général. La Maison nous apparaît, bien au contraire, comme un symbole masculin et non féminin. On parle d’ailleurs des maisons royales, des maisons commerciales – expressions devenues quelque peu désuètes de nos jours. La maison, c’est aussi le Temple, c’est l’oeuvre du (franc) maçon. Décidément, les livres d’astrologie véhiculent une certaine quantité de contrevérités alors même qu’ils prétendent nous éclairer sur l’ordre du monde. Mais ce sont peut-être ces déviances qui attirent précisément un public féminin qui y trouve son compte. Pour la femme, en réalité, la maison est bel et bien une prison. Et d’ailleurs, l’exogamie est un droit, préservé dans les familles princières, qui lui est accordé de pouvoir s’échapper, du moins changer de maison, de nom de famille, voire de religion. Si elle est gardienne du foyer, c’est toujours un foyer d’adoption, qui est le fruit d’un dépaysement, d’une acclimatation ; seule la vieille fille ne bouge pas.. De nos jours, force est de constater que croit toujours davantage le nombre de femmes qui affirment leur allégeance à leur maison d’origine alors même qu’elles se prétendent émancipées. C’est qu’en réalité, l’émancipation de la femme est fortement matinée de mimétisme envers l’Homme. La femme ne veut pas d’une telle liberté : tel est bel et bien son dilemme à savoir qu’elle ne profite pas des droits inhérents à sa condition féminine mais qu’elle convoite ceux qui ne lui sont pas accordés. Pendant la Première Guerre Mondiale, les femmes ont été envoyées dans les usines alors que les hommes étaient au front, elles y ont vu un gage de leur libération alors même qu’elles étaient intégrées plus que jamais, à un niveau mineur, au sein de la structure masculine. Il aurait probablement mieux valu qu’elles contribuassent, en temps utile, au brassage des peuples – évitant ainsi la guerre – en se mariant à l’étranger que de contribuer à l’effort de guerre….. L’astrologie actuelle reflète-t-elle une telle déviance ou bien en est-elle peu ou prou la cause en pervertissant son symbolisme?
Chez les femmes, en tout état de cause, existe un penchant très fort pour la liberté et qui en fait des êtres non pas casaniers mais au contraire aptes à se déplacer d’un endroit à un autre – ce qui correspond à l’exogamie. D’ailleurs, il suffit d’observer le comportement de femmes qui n’ont pas eu de père : on trouvera chez ces femmes un tempérament rebelle, frondeur, insoumis, s’efforçant d’échapper à toute contrainte, à tout engagement, qui n’en font qu’à leur tête et qu’il faut dompter comme on le ferait d’un cheval sauvage Sous des apparences, un vernis civilisés, la femme, mal sevrée par son père, reste un être épris de liberté et notamment de liberté de parole comme l’a noté John Gray, dans son best-seller Les femmes viennent de Vénus et les hommes de Mars. Etre raisonnable leur pèse et lui coûte plus qu’aux hommes et c’est peut-être cela qui est injuste que de leur demander de se comporter comme eux…
Signalons en passant à quel point l’astro-typologie traditionnelle est en porte à faux avec de telles descriptions sans parler de l’astro-psychologie fondée sur le thème astral et qui dresse des portraits kaléidoscopiques. Quelque part, le thème astral contribue, en effet, à brouiller le clivage Hommes-femmes et à voir du masculin chez la femme et du féminin chez l’homme, selon une grille jungienne (animus/anima) dont on peut se demander si elle ne serait pas influencée par une certaine fréquentation de l’astrologie. Le débat sur la liberté de la femme comporte quelque paradoxe : au nom de sa liberté, la femme veut s’intégrer au monde des hommes or toute intégration implique une certaine dose de renoncement à sa liberté, d’entrer dans un certain système. Ce faisant, la part de liberté dans le monde n’est plus incarnée que dans une sorte de mauvaise conscience, voire de mauvaise foi, par un retour du refoulé : cette liberté ne disparaît pas chez la femme mais elle se surimpose à ses comportements mimétiques. En ce qui nous concerne, nous pensons que toute société doit se ménager une zone de liberté et étonnamment l’esclave, l’étranger, la femme, l’enfant seraient plus libres que le citoyen, dégagés de certains droits, ils le seraient aussi, ipso facto, de certains devoirs, n’ayant pas à répondre aux mêmes attentes. C’est dire que le débat actuel sur l’intégration est mal posé dès lors que l’on admet l’existence, que dis-je, la nécessité d’une société duelle, à deux vitesses.
En ce qui concerne la correspondance signe/maison, il y a plusieurs écoles : l’une qui pose comme une évidence la correspondance entre ces deux séries, l’autre qui la rejette, comme Gilles Verrier. Il y a aussi ceux qui considèrent qu’il faut numéroter les maisons, à la Coquelin, dans l’ordre de marche des planètes et ceux qui acceptent une numérotation qui va dans le sens inverse des aiguilles d’une montre si l’on place l’ascendant à gauche. Nous avons longtemps pensé que les deux séries ne correspondaient pas mais depuis le progrès de nos recherches sur le zodiaque, nous avons changé d’avis en ce que la correspondance entre maisons et mois de l’année nous semble assez flagrante ; si bien que la présence de la symbolique actuelle des maisons pour décrire le mouvement diurne nous semble déplacée, c’est le cas de le dire..
. On voit mal comment la tradition astrologique telle qu’elle se pratique et s’interprète actuellement – on pense par exemple à la collection Zodiaque des éditions du Seuil, qui a près d’une cinquantaine d’années d’existence – relie le signe du cancer au foyer et donc les gens du cancer, ceux qui ont notamment le soleil ou/et la lune en cancer, donc nés au début de l’Eté – le cancer commençant avec le jour le plus long, celui du solstice- seraient casaniers, attachés à leur maison, à leur cocon. Les lecteurs, élèves et clients de l’astrologie entendent un tel discours sans sourciller, ce qui en dit long sur ce qu’ils disposés à accepter émanant de l’astrologie tant sur le monde que sur eux -mêmes. Qui ne voit qu’il s’agit là d’un total contresens et que tout ce qui a rapport à la maison doit être associé à l’hiver, comme le montrent tous les Livres d’Heures qui placent les scènes d’intérieur durant les mois les plus froids. En Eté, au contraire, on sort dans la nature, on dort à la belle étoile comme ces bergers qui sont représentés installés dans un verger. Inversement, le sagittaire ne saurait être le signe des voyages, comme cela est ressassé dans cette littérature zodiacale : est-ce que l’on part en voyage en décembre, dans les derniers jours de l’automne, à l’approche de l’hiver et ce même si la maison IX est celle des voyages et que l’on veut la rapprocher du neuvième signe ? Dans l’iconographie des Très Riches Heures du Duc de Berry, les personnages à cheval ne figurent que durant les mois de printemps et d’Eté. Le sagittaire n’a donc pas à être associé avec le cheval, c’est un archer, non un centaure – en fait son image est étrangement syncrétique sous la forme d’un centaure tirant à l’arc. Même de nos jours, les grands départs se font l’Eté, à la belle saison. C’est alors que l’on peut se rencontrer d’un village à l’autre après avoir été séparés par la neige par exemple ; on sort de sa tanière, les gens se rencontrent, les couples se forment (rien à voir avec l’homosexualité des Gémeaux !), en dehors de la famille (prohibition de l’inceste), c’est le temps de l’exogamie, quand la fille quitte ses parents pour partir plus ou moins loin.
C’est donc toute la psychologie zodiacale qui est à revoir quelles que soient les prétendues vérifications que l’on nous opposerait et dont on sait la valeur ! Il importe de placer les premières maisons (I à VI) au dessus de l’horizon, en rapport avec les saisons où l’on va dans la nature et les maisons VII-XII au dessous de l’horizon, parce que l’on se terre chez soi. La maison IV ne saurait donc être celle de la maison, de la famille et la maison IX celle des départs au loin.
On aura compris que si nous confirmons le lien signes/maisons/mois, cela ne se conçoit dans le système en mouvement, selon l’expression de Christian Gourdain, empruntée à Robert Jaulin, que si l’on inverse la numérotation actuelle telle qu’elle se pratique dans le thème natal. Ce qui signifie que celui qui a surtout des planètes dans les maisons au dessus de l’horizon est celui qui sort de chez lui, puisqu’il fait jour alors que celui qui a surtout des planètes sous l’horizon tend à se cloîtrer dans sa demeure. Or, on ne voit pas comment le sagittaire, signe de la fin de l’automne correspondrait à une maison IX proche du Milieu du Ciel, c’est à dire de la mi-journée. Dès lors si le né a des planètes en maison IX, il les a en fait en maison III, dans un registre Gémeaux, si l’on considère la maison I comme marquant le début du printemps ! On nous dira que la pratique vient confirmer l’autre dispositif et l’on répondra que si la pratique peut faire cela, paraphrasant Jean Rostand, à propos des statistiques en astrologie, alors ne nous fions plus à une pratique si celle-ci n’est pas d’abord sous tendue par une théorie cohérente. De même qu’il n’y a pas d’individuation en dehors d’une appartenance sociale préalable, de même il n’y a pas de pratique en dehors d’un contexte théorique pertinent.
De nos jours, le thème astral est de plus en plus utilisé sous la forme d’une astromancie rétrospective : au lieu de faire un tirage de cartes pour le moment de la consultation, l’on dresse le thème de naissance mais on traite celui-ci comme un tirage censé rendre compte de ce que le né a vécu jusque là ; c’est dire que le même thème sera interprété différemment si le né à quinze ans ou quarante ans. Cela signifie que l’on part du principe que ce que le né est devenu au moment où il consulte était préinscrit dans le thème. Inutile de dire qu’il s’agit là d’une pratique qui n’est formalisée dans l’enseignement astrologique mais qui s’observe bel et bien dans la plupart des réunions astrologiques où l’on discute de thèmes de personnages connus comme celles organisées par Didier Geslain ou à l’AFA (association française d’astrologie) de Christian Fenninger.
Or, étant donné que le thème natal ne prend pas en compte le mouvement des astres au cours de la vie de la personne, sauf à y greffer des transits ou à extrapoler par des conventions de temps artificielles, l’on est en droit de penser que ces deux ensembles correspondaient bel et bien à une certaine philosophie binaire que nous retrouvons dans l’astrologie telle que nous la présentons avec le cycle Saturne-Aldébaran. Ajoutons que nombreuses sont les mancies, outre l’astrologie thémique, à avoir adopté les maisons cycliques à commencer par la géomancie et le tarot. Ajoutons que les travaux statistiques de Gauquelin ne viennent aucunement valider ces maisons astrologiques du moins quant à la signification qui leur est assignée.
Une typologie inconsistante
Non seulement, le thème natal nous apparaît-il comme une sorte de recueil des notions astrologiques les plus diverses bien plus que comme un outil opérationnel mais les typologies astrologiques sont dans leur présentation actuelle bien peu crédibles. Si l’on examine un traité d’astrologie comme celui d’André Barbault, l’on nous explique que Jupiter est expansif, qui aime les voyages, et que ses domiciles sont en sagittaire et en poissons, respectivement signes d’automne et d’hiver mais cela n’empêche pas Jupiter et le soleil, astre de l’Eté, de s’entendre à merveille en conjonction. A contrario, Mercure est un astre intellectuel, qui décortique et l’on s’attendrait à ce qu’il corresponde aux saisons où la nature se retire. Pas du tout, ses domiciles sont en gémeaux, signe de printemps et en vierge, signe d’Eté ! Tout se passe comme si Mercure et Jupiter avaient permuté leurs domiciles. L’on pourrait ainsi s’interroger sur le domicile de Mars en bélier, au début du printemps ou sur celui de Vénus en balance au début de l’automne mais au moins ils ont un autre domicile plus conforme à leur nature avec respectivement le scorpion et le taureau. En fait, le dispositif proposé par le Tétrabible ne vaut que si l’on fait totalement abstraction du référentiel saisonnier sinon comment pourrait-il se faire que l’on ait en automne successivement la balance signe de Vénus et le scorpion signe de Mars ?
Ne parlons pas de la Lune associée au cancer, signe d’Eté, alors que c’est un astre qui éclaire singulièrement les nuits d’hiver et qui n’a rien de féminin, la femme étant un être solaire. La Lune est en fait saturnienne, elle favorise la miniaturisation, la réduction, elle correspond au feu, qui est tout l’inverse du soleil ; l’homme, à partir d’une minuscule étincelle parvient à se chauffer, passant du cru solaire au cuit lunaire – le soleil par sa chaleur fait mûrir mais non cuire – alors que parfois la montagne solaire accouche d’une souris. .. Il est vrai que le Tétrabible place les domiciles des deux luminaires côte à côte en Eté Mais c’est le nom même des astres du système solaire qui fait problème. A proximité du soleil, il faudrait ne mettre que des dieux en rapport avec les valeurs du printemps et de l’Eté, et donc Vénus mais point Mercure. Et à partir de la Lune, sorte de Soleil en mineur, nous devrions avoir des valeurs d’automne et d’hiver et donc Mars et Saturne mais pas Jupiter. Là encore, il conviendrait de permuter Mercure et Jupiter. Même pour les anciennes planètes, on n’est pas obligé de suivre docilement la tradition astronomique.
Vers une nouvelle représentation du symbolisme astrologique
L’iconographie astrologique comporte quatre volets : les signes, les planétes, les maisons astrologiques. et les mois de l’année (cf la collection en ligne rassemblée par la belge Marie-Christine Sclifet). Seul le premier volet est bien connu du public alors que les trois autres ne sont souvent même pas connus des étudiants en astrologie ni même des astrologues.
L’on trouve une grande part de ce symbolisme au sein d’un ouvrage paru à la fin du XVe siècle sous le nom de Compost et Kalendrier des Bergères, qu’il ne faut pas confondre, en dépit d’évidentes ressemblances, avec le Kalendrier et Compost des Bergiers. L’on observera ainsi que même la littérature des calendriers respecte la sexuation.
Dans le Kalendrier des Bergères (1499), figurent douze scènes correspondant aux douze mois de l’année, on les appelle généralement des travaux, ce qui montre bien qu’il ne s’agit pas d’une simple description du cycle saisonnier mais bien des activités humaines telle qu’elles se succèdent. On notera que l’on parle aussi des 12 travaux d’Hercule.. L’on s’aperçoit d’emblée à quel point le monde y est perçu par rapport aux hommes au point que l’année ne saurait se décrire comme une simple réalité météorologique extérieure à l’insensibilisation qu’en font les hommes.
C’est ainsi que le mois de janvier tel qu’il apparaît dans le dit Kalendrier comporte un feu de cheminée, à l’arrière plan qui tranche avec le froid du dehors. Le personnage central n’est pas sans évoquer le bateleur, c’est à dire la première arcane majeur du Tarot. Notons que l’iconographie des mois présente parfois le personnage sous la forme d’un Janus, à deux visages, ce dieu ayant donné son nom au mois de janvier. Premier mois, première arcane. Mais l’on peut aussi rapprocher le bateleur de l’imagerie des enfants de Mercure tout comme les Amoureux correspondent sans difficulté à celle des enfants de Vénus et dans ce cas le Tarot serait plus à rapprocher de la symbolique des dieux-planétes que de celle des signes-mois. Mais ne se pourrait-il que les dieux soient à l’origine des allégories des mois de l’année? Dans ce cas, les dieux constitueraient une cyclicité. Toute la mythologie s’originerait dans la succession des activités socio-météorologiques : Vénus et le temps des épousailles et Mars et l’abattage du porc. Car si l’homme doit parfois tuer des animaux, verser leur sang, pour se nourrir, il n’est pas nécessaire de prévoir qu’il puisse s’en prendre à son prochain au cours d’une année normalement constituée. Bien évidemment, le nombre de dieux est supérieur à celui de planètes connues de l’Antiquité, ce qui montre bien qu’il ne s’agit pas ici, au départ, de planètes. On notera cependant qu’une astuce exposée dans le Tétrabible et largement répandue dans l’iconographie consiste à attribuer à chaque planète deux signes, à l’exception du soleil et de la lune qui n’ont qu’un signe chacun, sauf à les considérer comme une seule et même entité. Mais tel n’est pas le cas des exaltations lesquelles laissent des signes sans planète et dont on peut penser qu’initialement elles se référaient à 12 dieux et non pas à des planètes et s’articulaient sur un seul et unique cycle.
Manillons, un siècle avant Ptolémée, proposait comme dominateurs des signes zodiacaux nombre de divinités qui ne correspondaient à aucune planète mais qui pouvaient être associés à des étoiles, lesquelles en revanche ne manquaient pas. Comment ne pas voir notamment que la déesse Cérés-Démeter est liée aux moissons et qu’elle ne figure pas comme astre (astéroïde entre Mars et Jupiter) avant le début du XIXe siècle et que Vesta, est liée au feu, au foyer, si présent dans les images des mois d’hiver et devra également attendre cette même époque pour briller au ciel ? Mais face à Cérés-Proserpine, n’est-ce pas plutôt Pluton qui correspond aux mois d’hiver et au feu des Enfers ? On connaît le récit mythologique selon lequel Proserpine-Perséphone sera contrainte six mois par an de demeurer auprès de son époux Pluton-Hadés au Tartare.
Le livre de l’Apocalypse chapitre 20 versets 10 à 15 explique : “ Et le diable […] fut jeté dans l’étang de feu et de soufre, où sont et la bête et le faux prophète ; et ils seront tourmentés, jour et nuit, aux siècles des siècles. Et je vis un grand trône blanc […]. Et je vis les morts, les grands et les petits, se tenant devant le trône ; et des livres furent ouverts ; et un autre livre fut ouvert qui est celui de la vie. Et les morts furent jugés d’après les choses qui étaient écrites dans les livres, selon leurs œuvres. Et la mer rendit les morts qui étaient en elle ; et la mort et le hadès rendirent les morts qui étaient en eux, et ils furent jugés chacun selon leurs œuvres. Et la mort et le hadès furent jetés dans l’étang de feu : c’est ici la seconde mort, l’étang de feu. Et si quelqu’un n’était pas trouvé écrit dans le livre de vie, il était jeté dans l’étang de feu. ”. On notera cependant que Pluton et le Feu correspondent à l’Hiver alors que c’est Mars qui correspond à l’Automne. Pluton n’a donc pas à être associé avec le signe du scorpion. En revanche, il convient fort bien à la maison de la mort qui devrait normalement être associée avec la mort de la nature, c’est à dire l’Hiver. Si l’on considère, avec Patrice Guinard, que la maison VIII de la mort était la dernière, la fin des choses et des temps, le Jugement Dernier, dans un système à 8 maisons (octotopos de Manilius), elle correspondrait en effet avec l’Hiver, incluant les 2 dernières maisons.
Or, ni Cérès, ni Pluton n’ont donné leur noms à des planètes dans l’Antiquité et il semble donc bien injuste que le dieu Pluton ait été attribué à un astre aussi lointain que celui qui fut découvert en 1930. Pendant une longue période, en gros à partir du Tétrabible (IIe siècle de notre ère) l’astrologie a fonctionné sans Cérès ni Pluton – alors que Manillons, un siècle plus tôt – donne la liste suivante Pallas, Vénus, Apollon, Mercure, Jupiter, Cérès, Vulcain, Mars, Diane, Vesta, Junon et Neptune, signalant notamment le couple Jupiter-Junon en signes opposés Lion et Verseau. Le seul cas où Manilius accorde – et encore indirectement – une divinité à une saison concerne Cérès : « la vierge, avec son épi appartient de droit à Cérés .
Pluton et le solstice d’hiver ( iconographie du mois de février)
Vénus et l’équinoxe de printemps (iconographie du mois de mai)
Cérès et le solstice d’Eté (iconographie du mois d’août)
Mars et l’équinoxe d’automne. (iconographie du mois d’octobre)
Au passage, on signalera que nous avons là un axe taureau-scorpion, qui est celui, du point de vue des constellations, où se situe Aldébaran et Antarés. En effet, la déesse Vénus -on ne parle pas ici nécessairement de planètes – est domiciliée en taureau et le dieu Mars en scorpion, couple que l’on retrouve chez Manillons : « La déesse de Cythère (protége) le taureau ( ; ..) le scorpion belliqueux s’attache à Mars » . Le dédoublement des dieux tel qu’il apparaît dans le Tétrabible de façon à ce que tous les signes du zodiaque corresponde non pas à un dieu mais à une planète, et qui a été adopté par les astrologues, conjointement à un autre dispositif, celui des exaltations lequel ne comporte pas un tel dédoublement – dispositif absent du Tétrabible au demeurant – nous semble la marque d’une volonté de renforcer les liens entre astronomie et astrologie ; n’oublions pas que Claude Ptolémée était avant tout astronome et que son système n’a été détrôné qu’à la Renaissance, avec Copernic. En cela, il n’est pas étonnant que les astrologues modernes – c’est notamment le cas d’Yves Lenoble- accordent une telle importance au Tétrabible, lequel préfigure le syncrétisme astrologico-astronomique actuel. C »est ainsi qu’hormis les luminaires, les planètes Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne régissent deux signes et ne sont donc plus, ipso facto, associées à une saison particulière !
On notera que les dieux masculins correspondent aux mauvaises saisons (automne-hiver) et les dieux féminins aux bonnes (printemps, Eté). Les Gémeaux – il s’agit d’un couple – sont donc bel et bien ici un signe vénusien et non mercurien -contrairement à ce qu’affirme le Tétrabible-, le Sagittaire- il s’agit d’un archer- est un signe martien et non jupitérien, la Vierge est un signe cérésien (cérés est à rapprocher de céréale) et non mercurien comme dans le Tétrabible et pour l’hiver, les poissons sont un signe plutonien et non jupitérien comme dans le même Tétrabible. D’ailleurs, dans les Très Riches Heures du Duc de Berry, le porc est remplacé par le sanglier et c’est à une scène de chasse à courre que l’on assiste pour le mois de décembre, l’animal étant tué par un épieu ou une épée et non pas un arc. Les signes du scorpion et du sagittaire représentent avant tout le chasseur. Volguine, dans le Symbolisme de l’Aigle, a montré que le scorpion était un « homme scorpion », c’est à dire un archer -Arcitenens – celui qui tient l’arc – ce qui confère aux deux signes consécutifs une seule et même signification. Le décrochage planétes-saisons est désormais total : Mars étant ainsi associé à un signe d’automne, le scorpion mais aussi à un signe de printemps, le bélier et idem pour Vénus, qui se trouve représentée dans ces deux saisons opposées, en taureau et en balance. Le procédé est d’autant plus choquant qu’il existe face au domicile l’exil et qu’ainsi Mars est « en trône » en scorpion mais exilé en balance, puisqu’en trône en bélier, tout comme il est exilé en taureau. Mars est donc d’un signe à l’autre, au sein de la même saison, débilité ou dignifié, le signe l’emportant donc sur la saison qui est la grande perdante de l’opération puisque même les Quatre Eléments ne sont pas reliés aux saisons, du fait de leur appartenance à un triangle, ce qui fait que les trois signes correspondant à un même élément au lieu de constituer une seule et même saison se retrouvent comme déportés à 120° l’un de l’autre.
Un tel réaménagement aurait du conduire à l’abandon de toute référence de l’astrologie aux saisons voire à la mythologie – celle-ci étant réduite à la portion congrue- or l’astrologie moderne, notamment telle qu’elle est représentée dans l’œuvre d’André Barbault – et singulièrement dans la série qu’il a dirigée sur le Zodiaque- associe, sans état d’âme, astrologie, astronomie et mythologie mais aussi cycle saisonnier, domiciliation (trônes) des planètes dans les signes, exaltations, nouvelles planètes, ce qui constitue grosso modo le corpus appelé Tradition astrologique, présenté comme un ensemble indissociable et d’un seul tenant – et qui, de surcroît « marche »‘, en tout cas fait l’affaire au niveau de la consultation – donc dont il est inconcevable d’évacuer quoi que ce soit, ce qu’a tenté un Jean-Pierre Nicola, dans les années Soixante, en renonçant aux Dignités (doubles domiciles (signes régis par deux planètes ou planètes régissant deux signes), exaltations) mais nullement aux douze signes et adoptant les assignations astronomiques modernes aux planètes. transsaturniennes, et ce sans plus associer signes zodiacaux et planètes, ce qu’a cherché à faire un Patrice Guinard, un de ses disciples. .
Ces quatre signes forment un carré ; si l’on se situe par rapport aux constellations, on a un décalage d’un signe, le signe des gémeaux correspondant alors à la constellation du taureau et ainsi de suite. Le cas du signe des Poissons est le plus problématique car il est le seul des quatre à ne pas être en accord avec l’iconographie de la saison. On lui préférera celui du verseau puisque sur les images de janvier et de février, on trouve un récipient sur la table. Curieusement, l’eau qui s’écoule des jarres portées par le verseau ressemble étrangement aux flammes. Il semble qu’il y ait eu corruption du symbolisme igné qui aurait conduit à sa transformation en un symbolisme aqueux, d’où les poissons. Mais dans l’Apocalypse (XX, 14), il est écrit que “ La mort et l’hadès furent jetés dans le lac ou l’étang de feu. ”. , on retrouve un lien entre le feu et le liquide à propos précisément des Enfers.
On notera qu’à la fin du XIXe siècle, quand on crut avoir découvert un astre intra-mercurien (d’abord désigné comme objet Lescarbault) encore plus proche du soleil – et dont on trouve la trace dans les commentaires astrologiques encore à la fin des années Trente, dans les Cahiers Astrologiques de Volguine- on dénomma ce corps céleste Vulcain, dieu de la forge. Par la suite, dans les années cinquante, l’astrologue Jean Carteret – ce qui conduisait à un décrochage manifeste entre mythologie et astronomie – nomma les deux transplutoniennes, appelées par Léon Lasson X et Y, dont il espérait la prochaine découverte, Proserpine et Vulcain, ces noms figurèrent dans le Traité d’astrologie pratique d’André Barbault (1961). Proserpine se trouvait donc entourée de Pluton et de Vulcain, deux divinités associées au Feu mais cette fois à l’autre extrémité du système solaire, ce qui est une aberration sur le plan symbolique, puisque ces astres se situent dans la région la plus éloignée qui soit du soleil. Quant à leur « conjonction » avec le soleil, elle est purement virtuelle et visuelle tant ces astres sont éloignés les uns des autres. La Lune, somme toute, nous semble convenir comme demeure de ce Pluton qui croise sa Proserpine- soleil, périodiquement. De nos jours, Vulcain -Hephaistos ne s’est pas vu attribuer, dans le système solaire, une planète significative comme les autres dieux, c’est dire que l’on ne saurait suivre aveuglément les assignations mythologiques que l’astronomie moderne a fixées, notamment en ce qui concerne Pluton qui devrait désigner un astre proche du soleil, à savoir la planète Mercure, encore que le dieu Mercure-Hermés soit une divinité proche des Enfers, dans la mythologie égyptienne, sous le nom de psychopompe, il avait pour » mission d’assister à la dernière heure des moribonds, de leur fermer les yeux, de conduire les âmes aux Enfers, de les ramener au jour quand elles ont terminé la période d’expiration ». Ajoutons qu’un astre proche du soleil est souvent invisible, ce qui expliquerait pourquoi les statistiques de Gauquelin n’ont rien trouvé pour Mercure. Pluton, astre de l’hiver manifeste l’invisibilité du soleil de minuit, du nadir alors que Proserpine serait le zénith, symbolisant la culmination solaire, tout comme la conjonction de la Lune avec le soleil donne une lune invisible, la « nouvelle lune » tandis que l’opposition entre les deux luminaires produit la pleine lune, lorsque la nuit est la moins noire.. On notera que la coutume de brûler, d’incinérer, les cadavres est attestée dans de nombreuses cultures, plutôt que de les enterrer, c’est à dire de les mettre sous terre.
On n’aurait en fait au départ que quatre dieux correspondant aux quatre saisons puis l’on serait passé à une démultiplication du nombre de dieux pour arriver à douze en raison des douze lunes. L’astronomie, par la force des choses, n’a pu emprunter ce schéma à 12 facteurs que partiellement, du moins jusqu’à ce que de nouveaux astres, bien plus tard, entrent dans son champ de vision. L’on comprend mieux dès lors pourquoi l’astrologie moderne a suivi l’astronomie dans ce recyclage des dieux. Entre temps, pendant des siècles, l’astrologie, étant passé au polyplanétarisme, s’échina à répartir les activités humaines entre les sept astres supposés tourner autour de la Terre, tout en conservant les 12 signes…
L’on soulignera le fait que les saisons où la nature est la plus accueillante seraient féminines tandis que les saisons les plus difficiles seraient masculines (« Quand la brise fut venue… « ). Elles exigent de recourir à la chasse, de tuer en tout cas -et non plus de tondre – des animaux- ainsi que de maîtriser le feu et toute l’industrie qui en découle, depuis la charcuterie jusqu’à la forge. On est donc très loin de l’idée selon laquelle l’Eté serait le Feu. Si le soleil est bien le feu par excellence, le feu ne fait sens qu’en son absence, comme un relais. Il y aurait ainsi une dialectique soleil/ feu plus intéressante sur le plan symbolique que celle, plus classique soleil-lune. L’autre dialectique opposerait le vent à l’air, c’est en Eté, quand le temps est sec que l’air est le bienvenu et que l’on ne souhaite pas rester enfermé chez soi. Opposition nature-culture : le feu culturel se situe à l’opposé du règne naturel du soleil, donc en hiver – c’est alors que l’on fait marcher les fours et les cheminées – et l’air culturel se situe à l’opposé du règne naturel du vent, donc en été, c’est alors que l’on recourt au ventilateur et au parasol.
Le Kalendrier des Bergères
Sur la table du mois de janvier, figure un récipient vraisemblablement en étain qui contient quelque boisson, ce qui fait immédiatement songer au signe du verseau qui est d’ailleurs présent en écusson, en dessous du signe du capricorne, ce sont là en effet les deux signes de janvier d’autant qu’avant la réforme grégorienne du calendrier (1582), le passage d’un signe à l’autre s’opérait au milieu du mois. On notera à l’arrière plan le profil d’un château ce qui monte que cette série de vignettes est inspirée des Très Riches Heures du Duc de Berry, qui appartient au début du XVe siècle.
Citons en partie le poème qui se place sous la vignette : « Beau feu devant moy je demande/ Sus table pain, vin & viande ». L’eau serait donc plutôt du vain et d’ailleurs Ganyméde, l’échanson des dieux, devait servir de l’ambroisie et non de l’eau. On retrouve ce personnage dans les arcanes du Tarot, la Tempérance et l’Etoile. Dans les Très Riches Heure, la scène est celle d’un banquet avec de nombreux convives.
La vignette de février n’est guère différente. Le feu est plus que jamais présent et l’on voit un homme couper du bois et un autre porter un fagot dans la maison. La table est toujours mise avec ses ustensiles.
La vignette relative au mois de mars place un château à l’arrière-plan, indiquant un certain clivage social. Des paysans travaillent aux champs, un homme est entré dans un ruisseau ou un étang. La division en deux de la page vient peut-être de ce que ce mois ci est le théâtre à la fois de la fin de l’année et du début d’une nouvelle année, d’où le poisson d’avril et le jour bissextile s’intercalant entre février et mars. Le mois d’avril (en anglais april) signifie l’ouverture.
La vignette d’avril met en scène des personnages de la classe supérieure, au vu de leur habillement. Un homme compte fleurette à une jeune fille. Cela n’est pas bien loin de l’arcane VI du Tarot, L’Amoureux.
La vignette de mai est la continuation de celle d’avril : les deux protagonistes se retrouvent sur la même monture. La vignette des gémeaux met en scène, adéquatement, un couple et certainement pas des jumeaux. Notons que cette même vignette se retrouve presque à l’identique – « le (sic) planète Venus » – pour illustrer les « enfants » de Vénus, expression par laquelle on désignait autrefois les vénusiens.
Le poème du mois parle d’une « belle damoiselle ».
La vignette de juin est celle de la tonte des moutons et l’on remarquera que le signe du bélier ne correspond pas avec un mois où le mouton est au cœur de l’activité paysanne. Au loin, à nouveau, un château. C’est cette vignette qui est reprise sur la page de titre de nombre d’éditions du Kalendrier et Compost des Bergers. Le poème du mois dit : » Je suis le moys de iuing nommé qui fais tondre la chose est telle brebis moutons etc ». Un autre poème rustique s’exprime ainsi : » Une fois l’an fait bon ses brebis tondre », le mouton, c’est avant tout la laine qui permet de se vêtir, il ne tire pas la charrue comme le boeuf et ne participe donc qu’accessoirement à la production alimentaire. Etrangement, sur un autre document du XVe siècle la tonte des moutons est déplacée à l’automne, juste avant la glandée des porcs, ce qui montre que la transmission de ces documents est sujette à des aléas et finit par ne plus correspondre, dans certains cas, aux réalités sur le terrain. Il est logique de tondre les moutons quand il fait chaud, donc en été et non pas au début du printemps, au sortir de l’hiver, pour que les bêtes ne prennent pas froid en étant ainsi dénudées. En fait, l’astrologie a adopté une série incohérente mais qui suffit aux astronomes qui n’ont cure de l’adéquation entre signes et société. Le zodiaque des astrologues n’a pas nécessairement à être identique à celui des astrologues.
La vignette de juillet est celle de la moisson – messidor dans le calendrier révolutionnaire à partir de 1792 – et de la faux qui en est l’instrument. Cette faux souvent associée à Saturne ( cf l’image de « Le planète Saturne » dans le kalendrier) voire à la mort dans l’arcane XIII du Tarot. De même, la charrue ne se retrouve-t-elle pas dans l’arcane VII, le Chariot, ne serait-ce que dans la similitude des mots ? On pourrait aussi rapprocher la roue de fortune du Tarot de la roue du moulin à eau.
La vignette d’août prolonge celle de juillet, l’on y noue des gerbes ; le signe de la vierge tenant un épi de blé convient fort bien à la scène dominée au loin par un château. L’arcane XXI du Tarot, Le Monde, représente une femme entourée d’une couronne d’épis.
La vignette de septembre est celle des vendanges (vendémiaire dans le calendrier révolutionnaire), des hottes et du pressoir et la balance nous fait penser aux charges que les hommes portent. En bas, un homme verse du jus de raisin d’un tonneau dans un broc.
La vignette d’octobre est celle des labourages et des semences. La charrue est tirée par des bœufs mais on est bien loin du signe du taureau qui correspond au printemps dans le zodiaque qui nous est familier.
La vignette de novembre est le temps des porcs à la glandée promis à l’abattage. Le signe du sagittaire, l’archer, pourrait en effet évoquer les projectiles que les paysans lancent dans le feuillage des chênes pour faire tomber les glands. Le porc est au centre de cette vignette tout comme le mouton l’était pour juin. Et pourtant, il n’y a pas de signe du cochon, sinon dans le zodiaque chinois. Le poème du mois parle du porc et du gland. Cette absence du porc dans le zodiaque alors que l’animal – base de l’alimentation carnée du paysan – est présent dans l’iconographie des mois montre bien que le dit zodiaque comporte des sources fragmentaires, tant par l’absence de certains motifs que par le fait que certaines scènes s’y réduisent à certain détail plus ou moins pertinent. On notera que dans le jeu d’échecs, la tour ne fait qu’évoquer l’éléphant car l’éléphant de combat était surmonté d’une tour fortifiée. Dans certaines langues, la tour des échecs porte d’ailleurs le nom d’éléphant. Curieusement, la pièce qui porte le nom de fou/fol se rapproche phoniquement du nom de l’éléphant dans les langues sémitiques (fil) alors qu’en anglais le fou porte le nom de bishop, l’évêque, déformation du grec episcopos…
Le document ci- contre comporte les deux séries dont on observe qu’elles ne se superposent à peu près qu’à trois moments : le signe des gémeaux et le mois d’avril, le signe de la vierge et le mois de juillet, le signe du verseau et le mois de janvier. Quant au tarot, il emprunte davantage à la série des mois, outre l’Amoureux, le Bateleur, le Monde (pour la Vierge), on trouve, le mois de mai dont la charrue donne le chariot, suivi du mois de juin, dont la faux devient celle de la mort. Ajoutons que certains travaux peuvent être décalés selon que l’on va vers le nord ou vers le sud et il serait intéressant de savoir à quelle latitude correspond l’attribution à certains mois de telle activité de façon à situer le lieu d’origine d’un tel dispositif.
La vignette de décembre nous fait assister à la préparation du pain. Au centre, un four à pain et donc le feu comme pour les deux vignettes suivantes de janvier et de février. Il semble donc que le feu occupe trois signes successifs et que la répartition triangulaire (à 120° de distance l’un de l’autre) des éléments soit contestable. En face, pour les mois estivaux, l’on trouve des vignettes marquées par le travail en plein air, ce qui nous renvoie à l’élément air. Lors d’un anniversaire, il y a le rituel consistant pour l’impétrant à souffler des bougies. Or, l’astrologie tend à placer l’air ( signe fixe du verseau) en hiver et le feu en Eté (signe fixe du lion). Il est vrai que l’on trouve aussi dans ce qu’on appelle l’Homme Zodiaque, une étrange correspondance entre les premiers signes et la tête et les derniers signes et les membres inférieurs alors que la partie la plus évoluée de l’homme se situe dans sa tête et que le zodiaque est censé suivre une certaine progression psychique. N’est-il pas également surprenant que le signe du capricorne soit mis en relation avec la dixième maison et avec le Milieu du Ciel alors qu’il correspond au solstice d’hiver, le quatrième signe du zodiaque, le cancer, signe du solstice d’Eté convient mieux.
Le poème évoque Noël et la naissance de Jésus issu de la Vierge.
Quelles réflexions nous inspirent ces vignettes au niveau du Zodiaque ? S’il existe certains recoupements, force est de constater bien des décalages. Mais les recoupements sont suffisamment nombreux pour que les rapprochements fassent sens et ne soient pas le fait du hasard, d’autant que le lien entre le Zodiaque et les saisons est bien connu.
Un des cas les plus troublants concerne le mouton dont la présence en début d’année ne s’impose nullement. On peut aussi s’étonner de l’absence du porc dans l’imagerie zodiacale actuelle. En revanche, on voit mal ce que le lion vient faire dans le zodiaque car il n’a guère sa place dans les travaux et les jours. On a vu que cela pourrit être une allégorie de l’une des vertus, la Force, que l’on retrouve dans le Tarot. Quant au feu, contrairement à ce qu’affirme l’astrologie, c’est un élément de l’Hiver et non de l’Eté.
Le cas du signe des Gémeaux est emblématique. Il s’agit bel et bien au départ d’un couple, le printemps est la saison des amours et des épousailles. En refusant de restituer le couple dans le zodiaque, l’on déconnecte l’astrologie du cycle socio-saisonnier. C’est ainsi que Solange de Mailly Nesle dans le volet consacré au Zodiaque de son Astrologie, ne relève aucune des contradictions, comme si le Zodiaque n’avait rien à voir avec les scènes de chaque mois, étant donné qu’elle reproduit par ailleurs des éléments des deux séries.
Au départ, le zodiaque devait clairement dériver d’une telle iconographie des lunaisons, puisque à l’origine, le mois débutait avec la nouvelle lune. Le verseau devait représenter le début de l’année, au solstice d’hiver, d’où – on l’ a dit – la carte du Bateleur pour commencer la série des 22 arcanes du Tarot. On pourrait parler d’une carte apéritive, dans tous les sens du terme. D’ailleurs, le Kalendrier des Bergères reprend la vignette de janvier pour indiquer le solstice d’hiver tout comme il reprend la vignette de septembre pour l’équinoxe d’automne, ou la vignette d’août pour le solstice d’Eté, la vignette du mois d’avril pour l’équinoxe de printemps.
Il ne faudrait pas s’en prendre qu’aux seuls astrologues pour dénoncer une certaine incurie car ceux-ci dépendent des travaux des historiens. Récemment est paru un assez luxueux ouvrage, traduit de l’italien, Astrologie, alchimie et magie, de Matilde Battistini. de même que la réédition du Signe zodiacal du Scorpion de Luigi Aurigemma . Ces auteurs font cohabiter allégrement signes zodiacaux et images des Livres d’Heures et du Kalendrier des Bergères, lequel ouvrage, syncrétique à souhait, réunit d’ailleurs les deux séries pour chaque mois. A aucun moment, on ne nous signale certains décalages entre les dites séries, se contentant parfois de relever ce qu’il en est dans un cas et/ou dans l’autre. Pas question de montrer le rapport symbolique entre un signe et une scène, dès lors que cela ne correspond pas à la tradition telle qu’elle nous est parvenue. Donc aucun rapport entre le signe du bélier et la tonte des moutons, aucune réflexion sur la présence du lion ou du scorpion dans le contexte champêtre des mois pas plus que sur l’absence du porc dans le zodiaque occidental. Aurigemma aurait pu, ainsi, rapprocher le dard du scorpion de la scène où l’on tue le cochon. Notons que l’on pendait le porc à une sorte de potence pour recueillir son sang et que cela a pu donner l’arcane du Pendu mais ce Pendu figure également dans l’imagerie des enfants de Saturne. La scène de crucifixion de Jésus nous semble appartenir à ce type de tableau automnal – début de l’année juive- plus qu’au solstice d’hiver qui voit la vie sociale se réfugier dans les intérieurs, à moins d’envisager un bûcher.
Aurigemma ne s’explique pas sur la place incongrue du scorpion en tant qu’animal dans un tel environnement campagnard, se contentant de faire un inventaire alors que c’est la seule scène où il y a du sang qui coule, même si la faux et la serpe sont intervenues dans d’autres scènes mais ne s’en prenant qu’aux végétaux. On ne nous épargne évidemment pas les banalités d’usage sur la symbolique animale – ce qui permet de relier allégoriquement bélier et printemps, lion et été – tout en se permettant de ne pas rechercher des correspondances littérales et moins alambiquées.
Pour penser l’Histoire du Zodiaque, il ne suffit ni de nous raconter combien le zodiaque a marqué des cultures – ce qui correspond à sa fortune, à sa diffusion- ni d’aller étudier les sources de chaque signe zodiacal pris séparément. Car même les interpolations et les interférences peuvent avoir une histoire intéressante. Qu’est ce donc que d’écrire sur le signe du Scorpion isolément de l’ensemble zodiacal ? Soit l’on admet d’entrée de jeu que chaque signe zodiacal a sa propre histoire soit l’on reconnaît que l’on a affaire à un seul et même ensemble et l’on se réserve la possibilité de conclure qu’un tel ensemble ait pu se corrompre, être victime de suppressions ou d’additions. Mieux encore, ne conviendrait-il pas de réfléchir sur la facette du symbole scorpion qui fait sens au sein du zodiaque ou bien doit-on considérer que tout ce qui a rapport avec le scorpion fait ipso facto sens pour le zodiaque ? C’est une approche répandue – et nous-mêmes nous l’avons pratiquée dans Le Grand Livre du Sagittaire – que de partir du principe qu’absolument tout ce qui est relatif, de près ou de loin, avec l’objet étudié, la moindre de ses facettes, fasse sens pour l’astrologie.
Qu’est ce finalement que le zodiaque ? Pour nous, l’astrologie n’en a nullement besoin, elle peut se contenter de quelques étoiles fixes dont elle fait ses repères. L’astrologie – on ne le dira jamais assez – n’a pas à utiliser intégralement tel ou tel ensemble ou série astronomique, cosmographique, hémérologique. Elle n’a besoin que d’une partie du tout et on finit par lui imposer le tout, quitte à lui faire attraper une indigestion en la gavant de la sorte d’une mixture, en l’occurrence assez frelatée et faisandée. Mais respectons le zodiaque tel qu’il est et pour ce qu’il est devenu dans sa dimension culturelle en étant conscient de ses incohérences structurelles et surtout ne nous appuyons pas sur une autorité bien douteuse pour valider l’astrologie !
Quant à l’iconographie des maisons astrologiques, elle est encore moins connue – tant des historiens que des astrologues – puisqu’elle ne figure même pas dans le Kalendrier des Bergères et qu’elle a peu près totalement disparu de la littérature astrologique et n’est guère attestée que dans les manuscrits. Or, la Roue de fortune présente dans le Tarot correspond à la vignette de la maison XI. On n’a pas de peine à retrouver dans cette série l’image de la maison VII qui a inspiré l’Arcane de l’Amoureux. La maison des enfants se retrouve dans l’arcane du soleil avec ses deux jouvenceaux. La maison II est fort proche du Bateleur et la maison III comporte des personnages habillés comme l’Hermite. La maison X fait irrésistiblement penser à l’arcane de l’Empereur et la maison IX à celle du Pape, pour ne pas parler de la maison VIII pour l’arcane de la Mort.
L’on notera que nous avons bien affaire ici à deux iconographies bien distinctes, l’une en rapport avec les mois, celle du zodiaque, l’autre axée non pas sur ce qui se passe socialement au cours de l’année mais ce qui attend la personne tout au long de sa vie, celle des maisons, qui a été conservée en partie dans le Tarot, ce qui expliquerait pourquoi tant d’astrologues utilisent le Tarot, y retrouvant une iconographie perdue.
A la lumière de ces observations, l’on ne pourra que souligner la médiocrité des publications relatives aux signes zodiacaux, ouvrages qui sont l’occasion de recourir au corpus iconographique de l’astrologie. Certes, le Zodiaque est-il attesté depuis avant l’ère chrétienne sous la forme que nous lui connaissons. C’est dire que certains décalages ne datent pas d’hier. De là à vouloir justifier que le bélier soit le premier signe du zodiaque par le seul fait que c’est un animal impulsif, qui veut se trouver à la tête du troupeau… Au vrai, au départ il s’agit moins d’un bélier que d’un mouton voire d’un agneau (comme dans l’Evangile), ce qui montre que la symbolique animale autorise certaines libertés. A force de vouloir tout interpréter au niveau allégorique, les liens entre le zodiaque et les saisons risque de devenir de plus en plus abstrait. Alors que le zodiaque est une production tardive par rapport à la symbolique des mois, nombre d’astrologues sont tentés d’en faire une matrice dont tout découlerait. On a déjà dénoncé cette tendance chronique à vouloir tout antidater, à commencer par l’émergence du phénomène astrologique, ce qui permet de priver l’humanité de toute emprise sur le dit phénomène tant dans sa constitution que dans sa transmission. Tout est là depuis l’origine des temps et le savoir concerné nous aurait été livré intact. Sous cet angle, ce n’est pas le Zodiaque qui serait corrompu mais le Kalendrier des Bergers qui aurait déformé le Zodiaque.
La médiocrité et la pusillanimité des historiens du champ astrologique et prophétique – nostradamisme inclus – s’explique certes par le fait que leur objet d’études fait problème et qu’ils ne sont pas censés le prendre trop au sérieux, d’où une distanciation qui frise parfois la démission, au point – on l’a vu – de ne même pas oser proposer tel rapprochement obvie mais il est vrai gênant pour la cohérence du système concerné. Or, l’existence de cette cohérence, très relative, semblant être une condition minimale de la légitimité de leur travail, il convient donc d’en préserver la façade..
L’astrologie et les avatars de l’hors contexte
Le problème du savoir astrologique, c’est d’avoir été profané. Entendons par là mis dans les mains de personnes qui n’avaient accès à celui-ci que de l’extérieur, c’est à dire hors contexte. Le terme contexte, en tant que tel, peut prêter à confusion. Tantôt, il signifie observer ce qui est autour, tantôt ce qui est derrière, le background, l’arrière-plan. Or, le background n’est pas immédiatement donné à l’observateur, il exige des recherches en amont, d’aller se renseigner ailleurs. L’autre idée du contexte est plus paresseuse puisque l’on se contente- selon une approche que l’on pourrait qualifier de structuraliste – d’observer les rapports de l’objet considéré avec ceux qui l’environnent.
Celui par exemple qui ne connaît l’astrologie que par les signes du zodiaque et qui ne connaît le zodiaque que par les dessins des signes risque fort de s’inventer une astrologie quelque peu surréaliste, à la façon d’un poème de Jacques Prévert et qui fait songer à ce que l’on appelle un cadavre exquis. Est-ce que, en effet, le verseau se définit par rapport au taureau ou aux poissons ou bien doit-il être resitué dans le cadre de l’iconographie du calendrier ? La culture de certaines personnes se résume à faire avec ce qu’elles ont sous la main. Pour elles, le contexte de chaque signe, c’est l’ensemble des signes. Elles ne vont pas et ne se donnent pas les moyens de voir plus loin.
Pour le chercheur plus sérieux, il importe de se demander ce qui a amené à produire une telle série dans un tel ordre et à quoi renvoient ces signes, ce qu’ils désignent. Or, avant de désigner les natifs d’un signe- autre information aisément accessible – les signes se référent à un système symbolique plus large lequel malheureusement n’est pas à portée de main de celui qui a une approche par trop compartimenté du savoir et qui n’est pas doté d’une culture générale très développée. C’est comme un touriste chinois qui ne peut être compris que resitué dans son pays et non dans un hôtel international où se côtoient les gens les plus divers, lesquels réagissent avant tout par rapport à leur lieu commun de rencontre, ce qui leur confère des similitudes bien superficielles. De même les animaux enfermés dans un zoo – même racine que zodiaque – constituent-ils, sous prétexte qu’ils partagent un seul et même espace, une série pertinente sinon justement au niveau du dit zoo ?
Autrement dit, il y a des conceptions du contexte qui conduisent inévitablement au contresens et pour faire un mot valise au contretexte. L’astrologie est un merveilleux exemple de contretextualité. Les élèves en astrologie, c’est à dire ceux qui découvrent l’astrologie et qui sont supposés en recevoir un certain nombre de clefs se satisfont trop souvent de commentaires, d’interprétations, surajoutés visant à donner sens à un contexte réduit à une peau de chagrin. Comme dans un tour de prestidigitation, l’enseignant en astrologie, détournant l’attention, montre ce qu’il veut bien pour que son public n’aille pas regarder là où il ne faut pas. Et les élèves sont satisfaits du moment qu’on leur fournit un semblant d’explication pour unifier le champ hétéroclite que constitue le thème natal. En fait, ils prennent garde à ce qui marche et négligent ce qui ne marche pas en le passant au poste des profits et pertes. Le cas de la chaîne à six facteurs – signes-maisons-mois- dieux, planétes-éléments- est édifiant : nous avons là, de toute évidence un ensemble d’un seul tenant, chaque série se référant à l’autre de par son symbolisme. Or, la tradition astrologique – devenue incapable de restaurer les authentiques connexions entre ces différentes manifestations d’un même phénomène d’instrumentalisation du cycle saisonnier au bénéfice des travaux et des taches à accomplir au cours de l’année, selon un certain agenda – va établir d’autres connexions contrefaites, de substitution qui feront illusion. Le cas le plus patent est probablement la répartition triangulaire des Quatre Eléments entre les douze signes. Au lieu de se demander si tel signe est bien de feu, l’on se contentera de faire ressortir un facteur feu du signe et ainsi de suite. Autrement dit, le signe qui déjà n’est que signe de quelque chose dont il n’est qu’un extrait va lui-même générer un extrait de ce qu’il représente au premier degré. Etant donné que chaque Elément concerne trois signes, l’on pourra aussi rechercher, dans un mouvement inverse, le dénominateur commun entre ces trois signes pour déterminer ce qu’est le dit Elément. Mais en quel honneur tel élément est attribué à telle triplicité et non à telle autre ? N’est-il pas assez évident que les Eléments ont une dimension climatique, pastorale et qu’ils ne sauraient se répartir entre trois saisons ? Encore faut-il comprendre, en prenant connaissance de l’iconographie des mois que le feu correspond non pas aux grandes chaleurs estivales mais au grand froid hivernal. Non pas que cela ne fasse pas sens de relier le feu à l’Eté, mais ce n’est pas là le bon sens car ce n’est pas le bon contexte.
Un autre exemple est celui des Dignités planétaires tel qu’exposé dans le Tétrabible : le lien planéte-signe est avant tout perçu comme une sorte de symbiose entre deux ensembles. Pour prendre une formule utilisée par Denis Labouré il y aurait des locataires et des propriétaires. Les planètes passeraient successivement dans des signes leur étant plus ou moins favorables mais sans que le critère avancé soit saisonnier ; chez Ptolémée, il est d’abord astronomique, à savoir l’ordre des vitesses depuis la Lune jusqu’à Saturne, le soleil n’étant d’ailleurs pas à sa place entre Vénus et Mars. Dans un tel dispositif, le rapport entre le dieu, le signe et le mois n’est plus posé et d’ailleurs comment le serait-il dès lors que l’on ne compte parmi les planètes ptoléméennes ni Cérès, ni Pluton, divinités au coeur même du phénomène saisonnier ? .
Valeur des Dignités planétaires
Une des pierres de touche de l’interprétation du thème est en effet constituée par ce que l’on appelle les domiciles des planètes, introduisant une correspondance entre planètes et signes tout comme l’on a coutume de poser une correspondance entre maisons et signes (cf A. Bouche Leclercq, Astrologie grecque, Paris, E. Leroux, 1899).
S’il faut rappeler que la fonction des domiciles n’est pas tant, du moins à l’origine, de relier planètes et signes mais dieux et signes, force est de constater que, dans le Tetrabiblos qui expose le système des domiciles – mais non celui des exaltations – un principe astronomique semble bien à l’oeuvre, les domiciles des dieux étant répartis selon les vitesses de révolution : Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne, d’où nous conclurons qu’un tel dispositif est bien tardif en comparaison de celui des exaltations qui ne comporte pas une telle conformité avec la réalité astronomique. D’ailleurs, les jours de la semaine qui comportent un rapport avec les planètes -lundi pour la lune, mardi pour Mars et ainsi de suite pour successivement Mercure, Jupiter, Venus, Saturne et le Soleil – ne fournissent pas une série pertinente sur le plan astronomique.
Les domiciles nous apparaissent plus comme une refonte des exaltations que comme un dispositif complémentaire, d’où précisément l’absence observée des exaltations dans la somme de Ptolémée. Bien entendu, les astrologues combinent, comme à l’accoutumée, allégrement les deux dispositifs, l’ancien et le nouveau. De nos jours, ces dispositifs continuent plus que jamais à jouer un rôle central dans l’interprétation et notamment, sous le nom de maîtrises, quant à l’articulation des maisons astrologiques les unes par rapport aux autres tout comme les aspects relient entre elles les planètes.
La cohabitation des deux dispositifs comporte d’ailleurs bien des bizarreries qui ne gênent pas plus que cela les astrologues, dès lors que l’on relie les signes aux Quatre Eléments. C’est ainsi que la Lune est domiciliée dans un signe d’eau, le cancer mais débilitée dans un autre signe d’eau, le scorpion, signe opposé au taureau où la Lune a son exaltation -une planète est faible dans le signe opposé à sa position en dignité. Cependant, il est fort probable que cette incohérence soit due à la permutation des exaltations du soleil et de la Lune, du fait de la prise en compte de la précession des équinoxes, faisant passer le point vernal de la constellation du Taureau à celle du Bélier. Dès lors, le soleil domicilié en lion se trouvait au trigone de son exaltation en bélier, soit deux signes du même Elément, le Feu alors que dans tous les autres cas exaltation et domicile ne sont jamais en trigone mais en carré (90°), semi- sextile (30°) et quinconce (150°). Le fait que l’astrologie ait abouti à considérer le trigone comme un « bon » aspect et le carré comme un « mauvais » aspect, ce qui est le b a- ba de tout astrologue initié est assez révélateur : on préfère ainsi relier entre eux deux planètes placés dans des signes de même Elément et donc de même genre, masculin ou féminin, ce qui implique donc, a contrario, que deux planètes placées dans des signes d’éléments et de genre différents serait en dissonance. il y a là un refus significatif de dualité que l’on retrouve dans l’abandon des configurations associant une planète à une étoile fixe, préférant combiner deux planètes..
Une des raisons qui nous ont conduit, très tôt, dès la fin des années Soixante, à prendre nos distances par rapport à la pratique astrologique, c’est que celle-ci validait des dispositifs que nous jugions incohérents. Nous expliquions ce paradoxe par le fouillis du théme natal qui ne permettait aucunement d’appréhender la valeur spécifique d’un facteur parmi d’autres sans parler de la complexité de ce qui se joue dans l’entretien astrologique. Nos recherches actuelles qui sont l’aboutissement de près de quarante années de méditation sur les rapports planétes-signes nous conduisent à conseiller aux astrologues qui veulent maintenir ce lien entre planètes et signes à respecter une certaine cohérence : considérer que Vénus est maîtresse du signe des Gémeaux, par exemple et Mars maître du Sagittaire, ce qui signifie que le Sagittaire est mauvais pour Vénus et les Gémeaux pour Mars, pour des raisons symboliques et psychologiques évidentes au lieu de continuer à associer Mars à ce maleureux mouton si inoffensif que La Fontaine en a traité dans sa fable Le loup et l’agneau. Pour ce qui est du second couple, à savoir Pluton-Cérés, nous pensons que Mercure doit être rebaptisé Pluton et être le maître des Poissons – le glyphe de Mercure devenant ipso facto celui de Pluton – lequel se doit d’abandonner son exil au-delà de Neptune pour se placer à proximité du feu lunaire et Jupiter doit désormais s’appeler Cérès et comporter le glyphe de Mercure inversé, n’en déplaise à Eric Déstère qui a développé toute une réflexion autour des glyphes planétaires. L’astrologie n’a aucunement à subir le diktat d’une astronomie pour laquelle le nom d’astres ne relève d’aucune systématique symbolique. Il est temps que les astrologues mettent un peu d’ordre dans le champ symbolique du cosmos. On ne peut plus dire Mercure ou Neptune sans préciser la planète appelée Mercure ou Neptune par les astronomes mais que les astrologues peuvent appeler autrement, tout comme les signes zodiacaux n’ont pas à porter les mêmes noms chez les astronomes et chez les astrologues, ni correspondre aux mêmes régions du ciel, puisque le zodiaque peut avoir différents points de départ. Il n’est donc pas acceptable que l’on définisse d’office le zodiaque ou les planètes à la mode astronomique en laissant entendre qu’une telle approche est la seule légitime. Croire que l’astrologie serait moins bien considérée si elles se démarquaient de l’astronomie au niveau terminologique est contestable ; les astrologues ont le droit d’avoir leur propre terminologie tant qu’ils ne créent pas un ciel fictif et ils ont le droit de ne conserver que certaines données tant que les données conservées correspondent à une certaine réalité objective, la démarche scientifique n’ayant jamais consisté à tout accepter en vrac mais à structurer, agencer, hiérarchiser, classer, ce qui a ainsi conduit les astronomes d’antan à distinguer planètes et étoiles puis à refuser, avec Copernic, que le soleil tournait autour de la Terre. Bien au contraire, un des conflits entre astronomes et astrologues tient précisément au fait qu’ils prennent pour argent comptant tout ce que les astronomes ont inscrit au ciel, tant hier qu’aujourd’hui. S’il s’avérait que l’astrologie était en mesure de repenser le zodiaque, de par un travail ayant valeur socio-historique, elle serait moins la risée qu’en suivant docilement des instructions dont elle ne comprend plus le sens et qui n’ont pour mérite que d’être conformes à la pratique d’une astronomie qui n’a que faire des enjeux de l’astrologie.
Le cas des Poissons, signe de la fin de l’hiver, est certes un peu surprenant encore que Germaine Holley place Pluton dans ce signe et de toute évidence c’est le nom même du signe zodiacal qui fait cette fois problème, on pourrait appeler ce signe le charbonnier, ce qui permettrait de lui attribuer la couleur noire. On notera qu’à Noël, l’on consomme des bûches au repas. Le bois – que nous associerons au feu qui s’en nourrit – nous semble marquer la saison de l’hiver tout comme l’air est l’élément de l’Eté, l’on va, au moment de la canicule, se réfugier dans les hauteurs pour respirer un peu d’air, l’on tond les moutons pour qu’ils étouffent pas sous leur lainage. Avant que le bois ne brûle et se consume en viciant d’ailleurs l’air, comme le fait le tabac, il sert à faire les flèches de l’archer – ne dit-on pas « faire flèche de tout bois’, outre le fait que la chasse à coure se déroule en pleine forêt. La croix de la crucifixion est également de bois. Quant au labourage d’automne, il s’effectuait avec une araire et son soc tranchant. Or il nous semble que la terre est la matrice de tout le règne végétal dont les arbres sont une des manifestations les plus fortes. Quant à l’eau, elle incombe au printemps et aux amoureux : ne dit-on pas vivre d’amour et d’eau fraîche ? Ajoutons que pour la religion juive, le rapport sexuel ne se conçoit pas sans bain (miqvé) purificateur pour la femme.
Si Pluton est un charbonnier, Mars est un boucher ou un charcutier, pour rester dans le cadre des métiers du village. Mais l’on sait qu’une guerre peut être qualifiée de boucherie. Signalons aussi la dimension martienne des sacrifices (hécatombe) animaux (taureau, notamment) ou humains qui a une valeur institutionnelle à la différence des guerres. Si le dieu Pluton est noir comme ce qui est brûlé, ce qui se consume et d’ailleurs, de par sa proximité en tant que correspondant à la planète Mercure, avec le soleil, souvent invisible, la déesse Cérès – dont la demeure est la planète appelée Jupiter – est dorée comme les épis – la déesse Vénus, l’étoile du berger, sera verte comme ce pré (prairial du calendrier révolutionnaire) qui accueille les amoureux et le dieu Mars rouge, comme le sang des bêtes qui sont abattues – couleur qui apparaît dans les manuscrits médiévaux mais non dans les imprimés plus tardifs de la fin du XVe siècle comme dans le Kalendrier des Bergers – étrange régression chromatique liée aux débuts de l’imprimerie – ce qui correspond à la couleur de son éclat si l’on considère la planète qui porte ce même nom – les Egyptiens parlaient de l’Horus rouge.. Dialectique Mars -Vénus. que l’on retrouve dans les feux de signalisation, avec le rouge pour l’arrêt, la fin de quelque chose et le vert pour le passage, le début d’un nouveau cycle, l’orange, intermédiaire – comme l’est l’Eté entre printemps et automne- pouvant être rapproché de l’or (en hébreu, l’orange est désigné comme pomme d’or et d’ailleurs orange ne commence-t-il pas par or ?
Rappelons qu’autrefois dans Paris la vente du charbon se faisait dans des cafés- où donc l’on buvait et fumait (on parle d’un bar-tabac) – souvent tenus par des auvergnats, on les appellera des bougnats (abréviation de charbougnats). L’image du mineur, tout noir, avec son casque équipé d’une lampe nous semble à merveille incarner l’Hiver, monde souterrain s’il en est, les hommes se réfugiant dans des cavernes et veillant sur leur feu Sur les scènes du Kalendrier des Bergères, au mois de février, l’on voit un homme portant une charge de bois sur les épaules et un autre coupant du bois dans la cour. Le commerce du charbon était d’ailleurs lié à celui de l’eau : en Eté, quand on n’avait pas besoin de charbon, les charbonniers se faisaient porteurs d’eau. Le monde masculin est plutôt celui de l’automne et de l’hiver, c’est alors que la technologie fait la différence. Pour les mois d’automne, on nous montre un four qui pourrait aussi bien être une forge. Au printemps, l’on peut se mouvoir, aller voir ailleurs, rencontrer la bien aimée hors de chez soi.
Il semble que le sagittaire et le scorpion, on l’a vu, si l’on suit Volguine, correspondent à une seule et même symbolique, celle de l’archer, autrement appelé homme-scorpion. Il est possible que ce dédoublement soit du à la prise en compte à un certain moment de la précession des équinoxes. Mais dans ce cas, si le scorpion est un signe martien comme le sagittaire, on doit trouver en face des signes vénusiens, le taureau et les gémeaux. L’axe Aldébaran-Antarés correspondrait alors à une dialectique Vénus-Mars. La dimension vénusienne d’Aldébaran nous semble confirmer par le fait que la notion même de conjonction, de cycle est vénusienne dans la mesure où elle implique selon notre théorie, l’union de deux astres, Saturne et Aldébaran.
En ce qui concerne, en revanche, le tétramorphe, avec ses quatre personnages, le taureau, le lion, l’aigle et l’homme – que l’on trouve notamment dans le Livre d’Ezéchiel et qui sont associés aux quatre évangélistes tout comme ils sont présents sur l’arcane du Tarot, Le Monde – le lien avec le Zodiaque saisonnier est fort improbable ; Il semble qu’à un certain moment un tel dispositif ait interféré avec le zodiaque issu du calendrier, ce qui pourrait expliquer la présence du lion mais aussi du boeuf/taureau.. Quant à l’aigle qui ne figure pas dans le zodiaque, il témoigne du caractère un peu hybride d’une telle combinatoire entre deux systèmes. Il s’agit selon nous avec le tétramorphe d’une autre inspiration : il y a eu syncrétisme entre deux séries quaternaires qui ne relévent pas de la même logique. On pourrait éventuellement parler de deux zodiaques qui se sont croisés, on a d’ailleurs la trace d’une telle dualité avec le zodiaque sidéral (stellaire) et le zodiaque tropical (saisonnier) qui devaient initialement comporter des contenus différents et ont fini par adopter la même terminologie.. Même le lien entre l’Homme (Adam) du tétramorphe et le Verseau n’est guère concluant. Quant au quaternaire des Quatre Eléments, il n’est plus lié avec les saisons dès lors qu’il se manifeste sous une forme triangulaire, chaque saison ayant 3 des 4 éléments.
Dans l’ensemble, il nous apparaît que les astrologues ont dépensé des tonnes de commentaires pour tenter de sauver une certaine façade de l’astrologie plutôt que de se décider à revoir sa tradition. Des trésors d’ingéniosité auront été dépensés pour expliquer pourquoi tel signe est de tel élément, pourquoi telle planète est domiciliée en tel signe, ce que nous qualifierons de travail en aval et non en amont, comme si la tradition en question ne pouvait et n’avait point à être restaurée. En fait, ceux qui préférant ne pas procéder à une révision générale, ce sont ceux qui ne veulent pas reconnaître qu’il faille faire appel – dans tous les sens du terme – à une autre population – et de reconnaître son existence – apte à intervenir pour mener à bien une remise en état. Se débrouiller (système D), c’est une façon de nier une quelconque dépendance par rapport à autrui, défendant implicitement une conception moniste – et non-dualiste – de la société..
L’astrologie nous fait de plus en plus souvent pensé aux Ecuries d’Augias, un des travaux d’Hercule qui dut les nettoyer mais aussi elle évoque cette Hydre de Lerne aux multiples têtes que le même Hercule eut à affronter en tranchant celles-ci une à une.
La littérature zodiacale
Le Zodiaque est le maillon faible du savoir astrologique et c’est à propos du zodiaque que l’on prend le mieux conscience du manque de rigueur et de méthode de la part de ceux qui prétendent présenter l’astrologie au monde.
Les deux écueils de l’astrologie face au zodiaque sont, selon nous, les suivants : d’une part faut-il accepter le zodiaque par le seul fait que le Ciel des astronomes le comporte et d’autre part, faut-il accorder quelque importance au symbolisme zodiacal alors que l’astrologie disposerait d’un mode de quadrillage des 12 signes – notamment par les domiciles des planètes- dieux – susceptible de se passer du dit symbolisme dont le rapport avec les saisons est le plus souvent fort peu évident ? Et quid du rattachement des 12 signes aux 12 maisons astrologiques et aux Quatre Eléments, sur la base de triplicités ?
Dès le commencement du zodiaque, il y a problème, on l’a vu avec le signe du bélier qui n’est aucunement associé, en tant qu’animal domestique, au début du printemps. Ne vouloir parler du bélier/mouton que sur un mode figuré nous parait de mauvais aloi. En revanche, le mouton pourrait correspondre sans difficulté au solstice d’Eté. C’est en effet au mois de juin que le Kalendrier des Bergères place la tonte des moutons. D’ailleurs, cette tonte n’est-elle pas porteuse d’une valeur solsticiale avec cette laine qui après avoir poussé est enlevée, ce qui correspond à une nouvelle naissance, à un nouveau cycle ? Si le bélier est le premier signe, il l’est avec un zodiaque commençant au solstice d’Eté, et doit prendre la place du cancer, qui est aussi porteur de l’idée d’une marche arrière puisque c’est ainsi que se meut le crabe. Le signe qui ouvre le printemps serait plutôt celui des amoureux qui s’embrassent sur l’herbe verte et font des projets ensemble. Mais l’astrologie moderne ne veut plus voir dans le signe des Gémeaux qu’elle place trop tard en juin l’image du couple, se privant, ce faisant, d’une thématique anthropologique majeure. Si le Zodiaque est un ensemble assez peu cohérent, ce n’est pas la peine d’en rajouter en évacuant l’hétérosexualité des Gémeaux. Tout sonne faux, reconnaissons-le, dans le zodiaque dès lors que l’on veut ancrer son symbolisme sur le rythme des saisons et de la vie sociale qui l’accompagne. Que l’on ne vienne pas nous dire que l’Eté est marqué par l’Elément Feu alors que l’iconographie de la vie champêtre nous place le Feu en Hiver ! Force est de constater l’ignorance des astrologues en matière de symbolisme saisonnier ! D’ailleurs, la plupart des manuels d’astrologie sont singulièrement pauvres sur le plan iconographique Mais même la fameuse collection des 12 volumes parus au Seuil dans les années Cinquante, tout en étant copieusement illustrée, ne tente même pas de relier les 12 Signes avec les scènes traditionnelles des 12 mois de l’année alors même que l’on affirme que le Zodiaque est l’expression par excellence du cycle saisonnier. Il est vrai que la Nature des astrologues semble ici tout à fait déconnectée par rapport à la Nature telle qu’instrumentalisée par les hommes, ce qu’en dit long sur la qualité anthropologique de nos exégètes experts en zodiacologie.
Le Zodiaque saisonnier – tel que nous venons de le décrire – et les planètes se rejoignent en matière d’instrumentalisation, constituant de fait un diptyque du plus haut intérêt anthropologique : dans les deux cas, il y a en oeuvre une forme de domestication de l’environnement, voire de conquéte, d’annexion et donc d’empire.
Expliquons-nous : le porc n’a pas vocation à servir de nourriture à l’homme, ce qui ne l’empêche de figurer dans le cycle annuel des activités humaines et s’il ne remplissait pas une telle fonction, on n’en ferait pas l’élevage, on ne lui donnerait point de glands. De la même façon, les astres n’ont pas été crées pour servir de repères temporels aux hommes mais si on ne leur avait pas attribué une telle mission s’intéresserait-on autant à eux ? Peu probable ! Dans les deux cas, donc instrumentalisation permettant et conditionnant une intégration au sein de la société humaine.
On aura compris ce qu’il y a de délirant à nier que l’homme puisse interférer avec son environnement au point de lui conférer des significations et des utilisations nouvelles. Que l’on élève des moutons ou que l’on élève le regard vers le ciel, nous ne voyons pas de différence. Et d’ailleurs, la légende dorée de l’astrologie veut que l’astrologie ait été inventée par les bergers chaldéens, d’où d’ailleurs le Kalendrier et Compost des Bergers (et celui des Bergères)
Cela dit, il existe plusieurs formes d’instrumentalisation qui peuvent avoir cohabité puisque l’instrumentalisation n’est pas limitée aux dispositions intrinsèques de l’objet qui en fait les frais. Un animal peut aussi servir pour les sacrifices, ses entrailles peuvent être examinées par des devins (hématoscopie) tout comme le ciel peut être appréhendé, non point comme marqueur du temps de la Cité (astrologie) mais comme présage répondant à un questionnement du moment pour un particulier (astromancie). Or, au nom d’un certain syncrétisme, l’on a tendance à réunir au sein d’un même corpus toutes les instrumentalisations s’articulant autour d’un même objet. C’est ainsi que l’on tend à qualifier d’astrologique tout ce qui a rapport avec les astres, d’une façon ou d’une autre alors même que nous savons que la nature proprement dite d’un objet se situe au delà de telle ou telle instrumentalisation qui en est faite ou proposée. On ne saurait, à l’évidence, constituer une science de l’objet en question en additionnant toutes les instrumentalisations qui se sont greffé sur lui au cours des âges. Or, c’est là une tendance fréquente de la part des historiens à vouloir regrouper les dites instrumentalisations d’un objet donné au sein d’un même corpus et en tout cas d’un même ouvrage. Il y a là un écueil épistémologique pour la démarche historique. Certes, il peut être intéressant de collationner les diverses instrumentalisations subies, supportées par un tel objet mais à condition, cependant, de ne pas en tirer de conclusion quant à la cohérence de l’ensemble ainsi constitué ni quant à ce que cela nous enseigne à son propos, tant l’instrumentalisation peut ignorer ce qui constitue l’essence de ce qui est ainsi instrumentalisé et qui relève peu ou prou d’un processus de projection..
Le glissement du mythologique vers l’astronomique
L’on sait que le nom des planètes est aussi celui de dieux et déesses des panthéons mythologiques. Le christianisme a accepté l’astrologie et son cortège de divinités planétaires sous réserve que lorsque l’on parlait de Vénus ou de Jupiter on désignât non pas des dieux mais des planètes.
Or, une telle évolution qui conduisit à attribuer aux divinités des astres nous apparaît, en tant qu’historien de l’astrologie, comme une déviance manifeste, même si elle est déjà attestée dans le Tetrabiblos et plusieurs siècles avant l’ère chrétienne.
En effet, la littérature astrologique témoigne de ce que des attributions mythologiques ont été effectuées par rapport au zodiaque et qui ne correspondaient aucunement à des planètes, puisque ne portant pas le nom de planètes, c’est notamment le cas chez Manilius (Ier siècle de notre ère) dont le dispositif des domiciles comporte des dieux non situés sur le plan planétaire, du moins de son temps. Il semble donc que les deux approches aient cohabité et que c’est celle de Ptolémée qui l’aurait finalement emporté.
Selon nous, ce sont les phases d’un certain cycle planétaire qui ont été associées aux divinités, ce qui est confirmé par le fait que tel secteur est placé sous l’influence de telle divinité. Quand on dit que les Gémeaux sont dominés par Mercure, il ne s’agit pas, contrairement à ce que croient les astrologues depuis 2000 ans, de la planète mais bien du dieu. En se référant au dieu, l’on veut ainsi indiquer la tonalité spécifique de la phase assignée au dit dieu. Initialement, les planètes ne portaient pas de noms de dieux mais leurs phases étaient associées à des dieux. D’ailleurs, certains signes zodiacaux pourraient trouver leur origine en tant qu’allégorie de quelque divinité.
La méthode des maîtrises comme moyen privilégié encore aujourd’hui d’interpréter un thème se distingue de celle des domiciles du fait précisément que les domiciles concernent des dieux alors que les maîtrises s’articulent sur la présence des planètes dans le thème, mais en faisant usage du dispositif des domiciles.
Bien évidemment, c’est du fait de cette assimilation des dieux aux planètes que l’on assiste de nos jours à l’intégration de nouvelles planètes, inconnues de l’Antiquité, dans le clavier astrologique en accordant au nom accordé aux dites planètes par les astronomes la plus grande importance, on pense notamment, depuis 1977, à Chiron, astre circulant entre Saturne et Uranus mais aussi à Pluton, à Neptune, à Uranus, à Cérès, à Junon, à Vesta et à d’autres encore découverts depuis quelques années et recourant à d’autres mythologies, hindoue, amérindienne ou inuite…
L’on posera la question suivante : quels sont les besoins de l’Humanité – du moins de celle qui était concernée il y a quelques millénaires, en matière de planètes et d’archétypes dès lors qu’il s’agissait d’établir une cyclicité sociale ? Prenons un exemple simple, l’installation de feux de signalisation, ce qui n’est pas selon nous sans rapport avec la dite cyclicité puisqu’il s’agit non pas seulement que les voitures avancent ou s’arrêtent mais en ce que les dits feux permettent une alternance, notamment lors d’un croisement de voies mais aussi entre automobilistes et piétons. Ce n’est pas parce que l’on dispose de plus de deux couleurs dans le spectre chromatique que l’on devra envisager autant de couleurs pour la signalisation qu’il existe de couleurs disponibles.. L’on ne va pas inventer des cas de figure supplémentaires dans le cadre de la signalisation du trafic uniquement parce que cela est virtuellement possible. L’instrumentalisation est fonction des connaissances mais aussi des besoins et si les connaissances génèrent des besoins inutiles, cela fait problème. C’est le cas au demeurant avec tous ces astres qui sont mis en circulation inlassablement par l’astronomie moderne et que des astrologues comme Jean Billon se croient obligés de prendre en compte.
De même ce n’est pas parce que j’emprunte quelques mots à une langue que je suis intéressé par tous les mots de cette langue à moins de croire que cette langue n’existe que pour l’affaire qui m’intéresse. Ainsi, n’est-ce pas parce que l’astrologie a recouru à quelques éléments d’un ensemble qu’elle est preneuse de tout l’ensemble en question. Certains soutiendront que si et comme on dit qui vole un œuf vole un bœuf.
Il importe de comprendre que l’astrologie apparaît dans un monde qui ne l’a pas attendue pour exister, qu’il s’agisse des archétypes ou des planètes et pas forcément les uns liés aux autres. Ouvrier de la onzième heure, l’astrologie se sert de ce qui existe mais uniquement dans la mesure de ses besoins et de ses moyens d’intégration et de traitement d’une certaine quantité d’information.
Le cycle Etoile & planète (E & P)
Aujourd’hui, quand l’on parle de cycle ou d’intercycle, l’astrologue songe automatiquement à une configuration entre deux planètes. Au Moyen Age, le cycle Jupiter-Saturne fut ainsi très prisé, sous le titre de Grande Conjonction – petite et grande aiguille sur une horloge. Mais à l’origine, le couple céleste permettant de constituer un cycle devait être composé de la rencontre et de la séparation entre une planète et une étoile- c’est la formule E & P – sur le modèle du cycle soleil-lune, qui servit de modèle.
Le rejet des étoiles fixes par l’astrologie moderne – et notamment en cyclologie mondiale – s’explique généralement par le fait que les dites étoiles ne font pas partie du système solaire, qu’elles sont bien plus éloignées de nous que ne le sont les planètes. Or, selon nous, ce qui comptait se situait sur le plan visuel, sans que l’on ait à considérer les distances réelles, qui étaient d’ailleurs fort mal appréciées dans l’Antiquité.
Du point de vue anthropologique, ce qui importe, ce n’est pas tant la réalité astronomique en soi, objective, telle que nous la découvrons aujourd’hui, mais le rapport que les hommes ont établi avec les astres qu’ils connaissaient et dans la mesure de leurs besoins organisationnels. Si donc nos aïeux trouvèrent commode de conférer quelque importance au cycle Saturne-Aldébaran, et si les hommes se sont conformé, consciemment puis de plus en plus subconsciemment au fil du temps, cela seul compte et il importe peu que Saturne ait telle ou telle vertu en soi, il s’agit seulement d’un marqueur de temps qui va scander, rythmer notre Histoire sociale.
Le cycle planète étoile est conçu à l’image d’une grande horloge avec sa petite aiguille, beaucoup plus lente, que la grande, ce qui correspond au rapport étoile- planète. Le passage à une cyclicité articulée sur deux planètes est une déviance qui conduit d’ailleurs à un cycle intermédiaire, si bien qu’aucun intercycle saturnien ne respecte la durée de 30 ans du cycle saturnien. D’ailleurs, le rapport étoile-planéte est proche de la présence de la planète dans un zodiaque stellaire mais au lieu d’étudier les aspects formés entre une planète et une étoile et qui ne dépendent pas de la précession des équinoxes, l’on a regroupé les étoiles en constellations, ce qui est un référentiel beaucoup plus vague, ne permettant pas une datation précise sur la base des aspects.
La genèse du Zodiaque.
Quelle est donc l’origine des 12 images zodiacales ? Il ne suffit pas de retrouver des zodiaques en différents lieux et en différentes époques, cela relève de la fortune du Zodiaque, de sa diffusion et non de sa formation. Les historiens sont beaucoup moins diserts quand il s’agit de déterminer les sources du zodiaque et l’on pourrait faire les mêmes observations à propos du Tarot. Cette question en entraîne d’ailleurs une autre : quelle est la raison de l’ordre des signes du zodiaque ? En fait, il s’agit de déterminer d’où « sort » le zodiaque, d’où il est issu et ce point (aveugle) n’est certes pas indifférent pour l’Histoire de l’Astrologie.
C’est du côté de l’iconographie des mois de l’année qu’il faut, selon nous, aller rechercher la structure dont dépend la série zodiacale. Bien des astrologues ignorent cette iconographie- même au sein d’ouvrages consacrés au Zodiaque – tout comme ils ignorent celle des maisons astrologiques qui n’est pas sans rapport, quant à elle, avec la genèse du Tarot, lequel jeu dépend aussi des représentations des vertus, telles qu’on les trouve notamment dans les Hieroglyphica d’Horus Apollo, ouvrage qui fut largement diffusé au XVIe siècle et bien connu de Nostradamus.
Cette iconographie prézodiacale figure notamment dans un célèbre manuscrit, celui des Très Riches Heures du Duc de Berry, dû aux frères de Limbourg ( début XVe siècle, Musée Condé, Chantilly). Chaque mois y correspond à une scène. Mais bien d’autres manuscrits proposent, avec des variantes plus ou moins significatives, la même série de 12 saynètes. On signalera notamment la série de douze tableaux figurant dans le Kalendrier des Bergères (fin XVe siècle) Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette iconographie du calendrier ne se réduit pas à une simple représentation du cycle saisonnier un peu à la façon du calendrier révolutionnaire, comme on l’affirme en général. On y trouve également des moments de la vie sociale, comme dans le cas des amours, des fiançailles qui ont lieu au printemps mais aussi en hiver les soirées au coin du feu. Alors que les 12 Travaux d’Hercule pourraient – si la thèse de Charles-François Dupuis, dans l’Origine de tous les Cultes (fin XVIIIe siècle) est juste – avoir été composés en s’inspirant du zodiaque astronomique des constellations donc d’un ensemble extrêmement synthétique (, en revanche, les Livres d’Heures, selon nous, quand bien n’en aurait-on la trace précisément, dans l’Antiquité, qu’au travers du Zodiaque, lui seraient largement antérieurs.
Prenons le cas du signe du verseau qui correspond à l’entrée du soleil dans ce signe, dans le courant du mois de janvier. On peut certes, comme c’est la coutume, discourir sur le symbole du verseur d’eau, notamment chez ceux qui s’intéressent à l’Ere du Verseau. Mais l’on peut aussi noter que sur la table où l’on se réunit, bien au chaud, on trouve de la vaisselle tant pour manger que pour boire. Et le signe du verseau serait un élément de cette vaisselle. D’ailleurs Ganyméde, l’échanson des dieux, qui incarne, pour un Paul Le Cour, ce signe, ne sert-il pas quelque délicieux breuvage à la table des dieux ? Mais dans ce cas, ce qui compte, n’est-ce pas cette table plus encore que ce que l’on y a mis. La scène de banquet aurait aussi bien pu être résumée par autre chose que par une cruche ? On est bel et bien là dans les nourritures terrestres – on penserait au taureau – et point tant dans ces nourritures célestes, spirituelles qui sont volontiers affectées au verseau, dont on nous dit que c’est un signe d’air. Quant au Bateleur, la première arcane majeure, tout comme janvier, le mois de Janus, est le premier mois, ne représente-t-il pas, lui aussi, une table sur laquelle divers objets sont posés ? Mais il est vrai que ceux qui ont écrit sur le Bateleur, pas plus que ceux qui ont écrit sur le Verseau, n’ont songé à une scène de ripailles, ce qui en dit long sur la corruption du signifiant mais aussi du signifié de certaines séries symboliques. Un tarologue comme Alessandro Jodorowsky n’a pas effectué un tel rapprochement entre le bateleur et les scènes d’hiver autour d’un foyer, autrement dit ses méthodes d’investigation ne lui ont pas permis de rétablir le feu dans la scène dont le bateleur est issu tout comme les spécialistes du verseau, signe en vogue, ère du verseau oblige, ne signalent pas cet arrière plan igné de ce signe auquel le dit signe renvoie puisqu’il est issu d’une scène qui le comporte.
Si l’on admet que le zodiaque est l’expression, au départ, du cycle des activités d’une société rurale et non pas seulement de la Nature saisonnière, stricto sensu – c’est bien une nature habitée par les hommes – l’on comprend mieux pourquoi les cycles planétaires ont pu, à un certain stade, se subdiviser en 12 secteurs distincts. Cela tiendrait à un syncrétisme entre le cycle zodiacal et le cycle planétaire.
Dés lors, le découpage du cycle planétaire qui au départ n’a rien à voir avec le zodiaque mais qui, comme on l’a dit plus haut, est structuré par la succession des nouvelles lunes, va se trouver envahi par le Zodiaque non pas seulement en tant que structure de temps mais comme balisant les significations mêmes du cycle. En fait, le Zodiaque n’a nullement vocation à préciser la signification d’une phase si ce n’est qu’il peut servir à fixer un certain découpage, tous les trois signes, on pense notamment au signe de la balance, le septième, à 180° du bélier, et qui symbolise la moitié du cycle saisonnier, l’équinoxe d’automne. Encore faudrait-il pour cela que le Zodiaque commençât au début du cycle saturnien, c’est à dire à la conjonction Saturne-Aldébaran et non point au point vernal.
On notera à quel point le symbolisme zodiacal est mal servi par les Quatre Eléments. Le scorpion est un signe d’eau mais pas le verseau. A la place du scorpion, nous mettrions d’ailleurs volontiers la grenouille, animal aquatique, faisant ainsi face au bœuf comme dans la fable. On voit mal pourquoi les gémeaux seraient un signe attribué à Mercure alors que leur iconographie représente des amoureux, ce qui correspond aux « enfants de Vénus », comme on peut le voir dans le Kalendrier des BergersLa Vierge, autre signe mercurien, nous semble également plutôt vénusienne….Tout se passe comme si à un certain stade, on avait interverti Mercure et Vénus, croyant bien faire de façon à respecter l’ordre des vitesses des planètes sans songer à intervertir également les signes zodiacaux correspondants.
Les trois écueils de la recherche astrologique
Pour celui qui s’est mis en tête de cerner ce qu’est l’astrologie, il convient de le mettre en garde contre trois piéges qui ne concernent d’ailleurs pas uniquement, loin de là, la seule astrologie.
Le premier piége consiste à remonter trop haut dans le temps et de vouloir réduire l’astrologie à un état que nous qualifierons de pré-astrologique. De nos jours, la tendance au pré-astrologisme est très répandue puisqu’elle consiste en particulier à vouloir fonder l’astrologie sur le seul socle astronomique, englobant des planètes qui ne dépendaient pas encore du regard des hommes, d’où l’intérêt accordé aux transsaturniennes. Car s’il n’y a pas encore d’humains scrutant le ciel la frontière entre planètes jusqu’à Saturne et au delà de Saturne ne fait pas sens puisqu’elle est liée à la visibilité des astres du point de vue des hommes. La preuve en est que lorsque les hommes ont amélioré leur vue, le système solaire leur est apparu autrement. On trouverait un risque du même ordre à propos de la sexuation si on la réduisait à des données génétiques primaires (X, Y) et bien antérieures à l’apparition des civilisations humaines.
Le deuxième piége, a contrario, consiste à ne pas remonter assez haut, c’est à dire à prendre pour argent comptant l’astrologie fossilisée telle qu’elle est devenue depuis un certain nombre de siècles ; c’est le stade que nous qualifierons de post-astrologique. Si dans le premier cas, l’on sous estimait la possibilité que d’autres étapes soient intervenues entre temps, dans le second cas, l’on sous estime l’éventualité de stades correspondant à une dégradation de la transmission. L’astrologie serait alors forcément ce que l’on en connaît. L’on passe ainsi d’une extrême à l’autre : d’un côté un état extrêmement ancien et de l’autre un état relativement récent et entre les deux, rien d’essentiel ne se serait joué. De la même façon, en ce qui concerne la sexuation, on navigue entre d’une part des données biologiques brutes et de l’autre un certain nombre de lieux communs qui circulent depuis quelque temps.
Le troisième piége que nous appellerons réflexe – et l’on pourra parler de réflexo-astrologie – consiste à laisser parler le savoir dès lors qu’il est porté par des êtres en chair et en os. Vous voulez savoir ce qu’est un natif du sagittaire eh bien interrogez le pour qu’il vous dise ce qu’il en est. Il doit bien savoir ce que c’est puisqu’il en est un. De même, vous voulez savoir ce qu’est une femme, interrogez des femmes, elles sont les mieux placées pour vous éclairer sur la question. Selon une telle logique, il faudrait interroger les roses pour savoir ce que c’est que d’être une rose et ainsi de suite ou un bébé ou un juif pour savoir ce que c’est que d’en être un. Ou bien suffit-il d’interroger un astrologue pour savoir ce qu’est l’astrologie, un Français pour savoir ce qu’est la France ou la langue française ? C’est oublier qu’un individu ne se réduit pas à une seule identité et qu’il a souvent bien du mal à distinguer ce qui relève de chacune de ses appartenances ou pseudo-appartenances, lesquelles sont d’ailleurs parfois contradictoires. En fait, il convient de distinguer ce que les gens font et ce qu’ils disent qu’ils font, les deux plans pouvant être sensiblement en décalage. Il convient notamment du fait de l’instrumentalisation distinguer l’intérêt pour le signe et la signification accordée au signe : c’est ainsi qu’en ce qui concerne la sexuation, le tropisme qui rapprochera un homme et une femme ne se réduira pas, quant à sa raison d’être, à une finalité sexuelle sous prétexte que le repérage est fonction de données anatomiques.
Ce troisième type de dérive épistémologique est assez courant en dépit de sa naïveté. Il suffit donc de nommer un objet pour que cet objet nous dise ce que signifie le nom qu’il porte. Il suffit de nommer tel astre Jupiter pour que ipso facto l’on sache où l’on en est avec la valeur Jupiter. Il s’agit là en fait d’un processus d’instrumentalisation, c’est à dire que l’on attribue arbitrairement un nom à tel astre et un autre nom à tel autre astre en supposant que le dit astre ne sera plus désormais marqué que par ce nom, qu’il ne sera plus rien d’autre que cela. Une fois que j’aurai nommé tel objet A, tout ce que j’observerai à propos de cet objet me renseignera sur A.
Nous considérons ces trois approches comme pouvant égarer ceux qui s’intéressent à l’Astrologie comme à tout domaine appartenant peu ou prou au champ anthropologique. Or, la plupart des astrologues procèdent ainsi : ils s’appuient inconsidérément sur une astronomie dont le lien avec l’astrologie reste à préciser, comme le note Michel Cazenave. Ils supposent un peu vite que l’astrologie n’a pas pu faire fausse route, ce qui est plus ou moins le propos de Patrice Guinard et surtout, au travers du thème natal, ils croient au langage des astres et par un système de tirage – le thème natal est un mode de tirage parmi d’autres, s’articulant sur un moment particulier qui fait référence – ce sont les astres eux-mêmes dûment baptisés qui font ou non acte de présence au moment de la naissance.
Les aléas de l’ubiquiste
Nous résumerons par un mot un peu barbare notre diagnostic quant à ce dont souffre la tradition astrologique depuis fort longtemps, à savoir l’ubiquiste, concept que nous avons développé dans nos recherches linguistiques (à paraître, Livre Blanc sur le Français)
Quand par exemple, le nom d’un dieu est utilisé pour désigner un astre, il y a ubiquation. Prenons le cas de Neptune, planète récemment découverte et baptisée (1846). Le dieu Neptune est, par voie de conséquence, condamné à l’ubiquité puisqu’il est à la fois dieu dans l’Olympe et planète dans le Ciel. Il s’est en quelque sorte dédoublé mais il faudrait plutôt dire qu’on l’a dédoublé. L’ubiquation consiste à multiplier un concept, un mot et plus largement un objet. C’est un vol à l’envers : l’objet « ubiqué » ne disparaît pas, son propriétaire en dispose toujours mais il n’en a plus l’exclusivité et à la limite il se trouve substitué, remplacé par la copie, sort qui n’est pas nécessairement plaisant en toute circonstance. En tout état de cause, les astrologues ont d’un côté le dieu, de l’autre la planète et tendent à assimiler l’un à l’autre.
Le thème astral est un lieu très fortement marqué par l’ubiquation, du fait d’une incompréhension de la part des astrologues des dispositifs dont ils se servent : le dispositif des domiciles, tel qu’exposé dans le Tétrabible, prévoit que chacune des cinq planètes (soleil et lune donc exceptés qui ne sont pas des planètes stricto sensu même si l’astrologie les qualifie ainsi) domine deux signes. Mercure sera donc domicilié en Gémeaux et en Vierge, deux signes, soit dit en passant, en aspect de carré l’un avec l’autre – ce qui est un peu paradoxal quand on sait que le carré est perçu comme un aspect dissonant. On pourra donc parler de l’ubiquation de Mercure dans la mesure où si les deux signes sont occupés par un facteur activant, l’on aura donc Mercure simultanément mobilisé en deux secteurs zodiacaux. En réalité, le dispositif ayant initialement vocation cyclique et censé servir pour un seul astre, cela ne devrait pas se passer ainsi, le dit astre ne pouvant au même moment être en deux points différents de son cycle. Il y a donc ubiquation, c’est à dire en fait une spatialisation du temps. Il y a ubiquation lorsque deux stades se télescopent : par exemple, si l’on établit une échelle chronologique à quatre temps, que l’on désigne sous le nom de Feu, Terre, Air, Eau, ce n’est pas pour que, au même moment, deux ou plus de ces temps soient activés du fait du polyplanétarisme. Quand bien même d’ailleurs, comme Gauquelin, s’intéresserait-on à plusieurs planètes, il convient d’admettre que pour une personne donnée, une seule planète est active et donc qu’il n’y aura pas de mobilisation d’énergie simultanément en deux endroits du cycle.
L’astrologie a longtemps rencontré des difficultés pour connaître le mouvement réel des astres, à l’avance, d’abord en raison des carences de l’astronomie puis des difficultés de calcul avant de disposer d’outils adéquats et commodes. Il lui a donc fallu, tant que faire se pouvait, trouver une parade en axant tout sur le thème dressé au moment de la consultation donné puis – ce qui était plus délicat – au moment de la naissance, ce qui impliquait des calculs pour retrouver la position des astres, des années auparavant. Comme il lui fallait, tout de même, réaliser des prévisions, l’astrologie développa des techniques analogiques permettant de faire avancer le thème selon une micro-chronologie (un degré = un an par exemple).
Curieusement, après la démocratisation des outils de travail, certains comportement se sont perpétué et l’on continue à se servir de ces techniques de substitution ou plus fréquemment à relier les astres de telle année avec le thème natal (transits) tant et si bien que l’approche purement cyclique fondée sur le mouvement réel des astres, n’est pratiquée que rarement ou en complément alors qu’elle devrait être centrale. Or, à partir du moment où l’on ne pouvait suivre un astre tout au long de sa course, l’on prit l’habitude d’étudier les relations des astres entre eux, la technique des aspects ne servant plus à baliser la course d’un astre, au sein d’un binôme de deux astres, mais à appréhender les relations de tous les astres entre eux, au sein du thème. Bien pis, l’informatisation au lieu de conduire l’astrologie à évacuer des pratiques désormais obsolètes les a maintenues grâce à l’élaboration de logiciels permettant de multiplier les combinatoires, on pense notamment aux produits Auréas, dont le directeur est Francis Santoni, très à l’écoute des besoins et des innovations des astrologues ou encore à ceux de Christophe de Céne, de Bernard Villemin, de José Gonzalez ou de Jean-François Faccin sans oublier les recherches du regretté Robert Renout, décédé en 2003.. Le Salon de l’Astrologue – fait significatif – fut mis sur pied par un collectif de marchands de logiciels d’astrologie. L’informatique astrologique a, dans l’ensemble, selon nous, eu des effets négatifs sur l’astrologie en permettant à des formes douteuses de se perpétuer, et en ne faisant pas jouer naturellement un certain travail de décantation provoqué notamment par le caractère fastidieux des calculs et des tracés. il est vrai qu’un marché juteux s’ouvrait au service de l’astrologue : vente d’éphémérides, de tables de maisons, de régimes horaires dans le monde, d’abord sur papier puis sur d’autres supports, sans parler de l’organisation des cours pour former à leur utilisation. Reconnaissons d’ailleurs que le MAU, par ses branches formation (FLAP) et publication (La Grande Conjonction) a exploité, un certain temps, un tel marché dont la locomotive était le sacro-saint thème natal. et ses avatars. Mais par la suite, seuls les vendeurs de logiciels ont pu profiter du filon, avec le développement des PC et la Grande Conjonction a ainsi cédé ses droits sur l’ouvrage de Françoise Schneider Gauquelin, Problèmes de l’Heure résolus en astrologie, à Auréas en 1997 ; dix ans après sa première parution.
La vocation de l’astrologie, pour reprendre notre terminologie, n’est pas d’être solaire mais lunaire, n’est pas de tout expliquer en se servant de tout ce qui existe mais de déterminer un créneau étroit qui serait propre à la seule Humanité, qui serait de son invention. L’astrologie, c’est l’étude du dit créneau ainsi constitué. Ni plus ni moins. Les astrologues « solaires », à la sensibilité féminine, n’aboutissent qu’à noyer cette astrologie lunaire au sein d’une globalité qui fait régresser l’Humanité à un stade préastrologique.. Au nom de l’universalité, ils en arrivent à trahir la cause de l’Humanité en retournant contre elle, en pervertissant ce qu’avait au contraire de complètement spécifique le projet astrologique. Paradoxalement, la cyclicité astrologique prévoit cette alternance de phases solaires et lunaires – selon la dialectique Pluton-Proserpine qui n’est que celle de l’Hiver et de l’Eté, la phase solaire étant celle des vacances (c’est à dire du vide), comme nous la célébrons en ralentissant le rythme du travail en juillet-août. Encore ne faudrait-il pas oublier que l’Humanité en ce qu’elle a de plus original et originel n’est pas proserpinienne mais plutonienne. Or Pluton, le dieu des Enfers, n’est-il pas peu ou prou assimilé au Diable ? Ce qui expliquerait qu’il y ait diabolisation de l’astrologie. La science moderne, éminemment solaire, en quête de comprendre le monde tel qu’il est et non tel que l’Humanité a voulu qu’il soit, ne pouvait que rejeter une démarche lunaire – on dira que la science est solaire, que la technique est lunaire – tant et si bien que l’astrologie en est arrivée à vouloir se solariser, perdant ainsi son âme. Mais à partir de la Seconde Guerre Mondiale, d’Auschwitz et d’Hiroshima en passant par la création de l’Etat d’Israël, l’Humanité s’est à nouveau lunarisée, échappant, même si c’est sur un registre infernal, au mondel unaire. Le mot clef est alors devenu celui de concentration : camp de concentration, concentration nucléaire, fin de la dispersion juive.